Histoire du Groupe marin de Deauville (1979-1981)

Source : Balises
Auteur : Henri Hémont
Date : Mai 1983

Témoignage

UN COUPLE ET DES JEUNES

Lors de la rentrée scoute 1979, le groupe de Trouville se trouve devant quelques problèmes (notamment l’âge et la formation de la maîtrise). La troupe avait survécu grâce au dévouement de son chef de groupe Claude et de jeunes compagnons.

Cependant, notre CoDep n’acceptait plus cette situation et demandait l’arrêt au moins un an de l’activité "Scouts de France" à Trouville.

Nous étions alors parents d’un des cinq pionniers. Notre chef de groupe et Geneviève, mon épouse, avaient depuis un certain temps l’idée (étant au bord de la mer et nous-mêmes faisant du bateau toute l’année) de faire de nos pionniers : des marins.

D’autre part, il était hors de question de "lâcher" ces jeunes. Ainsi, lors d’une réunion houleuse avec notre CoDep, je m’engageais sur la pointe des pieds dans le mouvement ; acceptant difficilement à mon âge et avec mes occupations professionnelles de suivre des stages de formation et d’assurer un encadrement.

Les responsables du port nous avaient proposé deux magnifiques barques en bois (à trois bancs de nage et deux voiles au tiers) abandonnées dans le fond du port ; ainsi nous entreprîmes de les remettre en état.

L’année 79/80 fut consacrée à ce travail. Pour ma formation et celle de Philippe, le chef marin, les fréquentes réunions avec la maîtrise départementale furent une très bonne stimulation.

L’été approchant, les barques furent mises à l’eau... et là : catastrophe !!!

Ces deux bateaux abandonnés depuis des années, sans propriétaire connu, figuraient sur la liste du matériel de sauvetage d’un petit cargo pourrissant dans un bassin du port de Caen, et qui venait d’être vendu à des étrangers. Toutes nos démarches, toutes nos propositions n’y firent rien, les deux barques partirent en camion et quelques mois de labeur de nos marins avec... Nous apprenions à nos dépens qu’un bateau, considéré comme abandonné, même par les autorités, n’est pas reconnu comme épave tant qu’il est dans un port et quelque soit le temps écoulé.

Un camp d’une semaine au mois de juillet était prévu et nous ne pouvions laisser nos marins sur une telle déception. Nous avons fait le tour des écoles de voile et trouvé deux vieilles caravelles en plastique, sans gréement, à un prix abordable. La chance revenait...
Le grand jour arrive : coup de vent force 8, le projet consistait à prendre la mer pour quelques milles jusqu’à Dives, à visiter le Marais et remonter la Dives ; eh bien qu’à cela ne tienne, nous avons remonté la Touques, notre petit fleuve entre Deauville et Trouville, et tout a bien marché.

A la rentrée suivante, la ville de Deauville nous donnait deux caravelles (également sans gréement) et la disposition d’un "blockhaus". Du coup, devant cette flottille, notre troupe pouvait accepter plus de monde. D’autre part quelques jeunes filles, sœurs ou camarades de nos marins, avaient fort envie de participer à nos activités. Genevière, Philippe et moi nous sommes alors lancés dans la coéducation : six filles, six garçons.

Bien vite des difficultés... Une sortie en vélo de deux jours était prévue et quelques filles nous annoncent au dernier moment qu’elles ne participeront pas. Aussitôt, réunion de tous les parents des filles pour mettre les choses au point. Ceux-ci avaient peur que leurs filles se fatiguent, mais en fait, la raison véritable (et cela est notre grande faute) est que nous n’avions pas expliqué aux parents la démarche scoute (marins) et coéduquée par surcroît. Rassurés sans doute sur la démarche (et peut-être sur nos compétences) il n’y eut plus de problèmes de ce genre.

Par ailleurs, nous avons jugé, Geneviève et moi que notre rôle de "vieux", en dehors de notre indispensable qualification marine, devait se détacher petit à petit des activités directes avec les jeunes, pour nous consacrer à l’aide aux chefs et assistants de toutes les unités. D’ailleurs, nos marins filles et garçons ont réalisé leur projet : un grand camp à Pâques (traversée de la Corse à pieds et en train) avec Philippe pour chef, et sans problème. Il faut dire que tous les parents et nous-mêmes avons une totale confiance en ce jeune chef.

Nous avons constaté toutefois qu’une équipe coéduquée, si elle apporte une source d’éléments positifs, ne serait-ce que par l’émulation entre filles et garçons — ceux-ci forts et sûrs d’eux-mêmes mais souvent se laissant vivre, et les filles entreprenantes et allant jusqu’au bout de leur démarche (pas tous, ni toutes bien sûr) —, par contre cette équipe nécessite une attention constante quant à l’équilibre à respecter, aux sensibilités qui se frottent et aussi à l’âge de ces adolescents où il est impératif qu’il n’y ait quelque flirt que ce soit. Tout l’intérêt pour nous est que ces garçons et filles vivent une aventure en camarades, sans équivoque dans le respect de l’épanouissement personnel des filles et des garçons. Situation qu’ils ne trouvent ni dans la rue, ni à l’école, lieu où en général ils vivent les uns à côté des autres et se côtoient sans se connaître.

Nous sommes à cette rentrée 81 : 24 louveteaux? - 24 mousses - 14 marins et 4 compagnons de la mer. Nous avons lancé également une unité jeannette. Tous nos chefs ont reçu une formation. Bien sûr, à chaque rentrée certains nous quittent à cause de leur école ou de leur travail, mais nous en retrouverons d’autres. Je crois que les "vieux" comme nous présentent l’avantage d’être établis et stables, ce qui permet une certaine continuité...

Nous sommes marins et nous en avons eu la confirmation : trois chefs de flottille : Philippe, Geneviève et moi et deux patrons d’embarcation : Bruno et Emmanuel ; ceux-ci ont eu l’occasion d’acquérir une formation marine complémentaire, car notre problème est de naviguer.
Nous avons, en effet, beaucoup de difficultés, la marée, la météo bien sûr, mais aussi notre matériel : les quatre caravelles ont nécessité un gros travail de remise en état, ainsi que le "blockhaus" et puis, il y a les "extra-jobs" pour acheter avirons, gréements, tentes, etc., et enfin les réunions obligatoires, fêtes, calendriers et tout cela est mangeur de temps et les loisirs de nos jeunes ne sont pas extensibles, il y a le sport et surtout les études.
Pourtant, nous avons des projets...

Je pense qu’il n’y a qu’une solution, c’est d’aller vers l’avant, vers l’aventure !!!

Henri HEMON
Chef de groupe Trouville

PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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