Journée d’études « Renouveler l’histoire du scoutisme »

16 novembre 2007, Archives Nationales, Paris

Cette journée d’étude s’est tenue à l’Hôtel de Rohan (Archives Nationales, 87, rue des Archives, 75003 Paris). Elle a été organisée à l’initiative du Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d’éducation populaire (PAJEP) / Archives Départementales du Val de Marne, avec le soutien de l’Institut Jean-Baptiste Say (Univ. Paris 12) et du Centre de Recherche en histoire du XIXe siècle (Univ. Paris 1 et Paris 4).

Ce document n’est surtout pas un compte-rendu officiel mais une mise en forme de notes personnelles prises en séance... en attendant une souhaitable publication des "Actes" de cette bien intéressante journée.

Introduction

Personnalités rencontrées :
 Marc Levet, ancien Coreg d’Ile-de-France-Centre (SDF)
 Odile Laumaille, ancienne Codep Guides de France des Hauts-de-Seine (puis membre de l’équipe nationale Guides de France)
 Jean-Jacques Gauthé, ancien Anireg Scout et ancien Coreg Adjoint Nord-Pas-de-Calais, membre de l’équipne nationale Réseau des Parents et Amis , "Alouette" (sur les forums LTS)
 Marie-Thérèse Chéroutre, ancienne Commissaire Générale Guides de France.

L’argument annoncé de cette journée d’études :
Le PAJEP souhaite consacrer une journée d’étude au SCOUTISME, à l’occasion du centenaire de la création du scoutisme. Cette manifestation visait un "dialogue fructueux entre acteurs associatifs, archivistes et historiens, afin de discerner de nouveaux axes de recherche et de contribuer ainsi à renouveler l’histoire du scoutisme."

Les échanges ont porté principalement autour de 2 thèmes :

  1. explorer de nouvelles archives ;
  2. formuler de nouvelles problématiques.

1- Brève ouverture

Ouverture protocolaire, par Denis Grisel, des Archives Nationales.

2- Introduction de la Journée par Arnaud Bauberot, Université Paris 12

Pourquoi cet intitulé de "Renouveler l’Histoire du scoutisme ?" En fait, il ne s’agit pas de renouveler l’Histoire du scoutisme par rapport à des présupposés épistémologiques.
Pour Baubérot, le premier historien du scoutisme fut l’hélléniste Henri van Effenterre, avec son "Que sais-je" sur "Le Scoutisme". (H. van Effenterre est décédé récemment, le 7/11/07, à 90 ans).

Par cette journée, il s’agit de prendre acte de ce qui a déjà été fait mais aussi de voir comment on pourrait aller plus loin :

  1. Ce qui a été fait et ce qui est en cours :
    1. jusqu’à présent, on a surtout vu des "histoires de telle ou telle association scoute". Il y a donc encore beaucoup de travail à faire pour établir des faits mais il manque des historiographes et des chroniqueurs !
    2. il y a aussi eu toute une série de rencontres entre archivistes et historiens.
    3. Grâce au PAJEP, on s’aperçoit de la possibilité de porter un regard plus global sur le scoutisme. Et puis, il y a de nouvelles archives, permettant aujourd’hui des travaux comparatifs entre les différentes associations scoutes et le milieu de l’Éducation Populaire. Car, méthodologiquement, académiquement, l’étude historique du scoutisme est rattachée à celle de l’Éducation Populaire !
  2. De nouvelles manières de faire de l’Histoire se sont faites jour : Quelle Histoire d’ailleurs ? Une histoire politique, culturelle, etc. : le scoutisme apparaît comme un phénomène social à part entière, à étudier dans ses rapports avec la société (attitudes, normes, représentations, …). Fonctionne-t-il davantage comme une "caisse de résonance" de l’air du temps dans la société ? Est-il, au contraire un "cadre" producteur de normes ?

Y a-t-il une "culture scoute" spécifique, avec un imaginaire spécifique qui soit un moyen de mobilisation des jeunes ?

2La journée proposera dès lors une interrogation et deux tables-rondes l’après-midi) :2

  1. Une Interrogation : "Les pratiques d’éducation populaire : quelle spécificité du scoutisme ?" (Président de séance : Antoine Savoye, Université Paris 8)
  2. Table-ronde 1 : "Un imaginaire mobilisateur". Il s’agit de procéder à une analyse du point de vue de l’expérience vécue : d’où l’importance des échanges et des débats. Pour Bauberot, "les acteurs disent ce que les sources ne disent pas". (Modérateur : Daniel Denis, IUFM Versailles).
  3. Table-ronde 2 : "L’identité sexuée". Questionnement autour des catégories de "masculinité" et de "féminité", dans le cadre des modèles dominants de l’époque. Peut-on alors mettre au jour de nouveaux "modèles de genre" ? Y a-t-il des inflexions spécifiques : ex. : y a-t-il une manière catholique, protestante, juive, musulmane, laïque d’aborder les genres, dans le scoutisme et au travers des sources historiques (connues à ce jour, nouvelles) ? (Modératrice : Yolande Cohen, Université du Québec à Montréal).

Derrière cette question des archives, se profile en particulier celle des "modèles" dans le scoutisme féminin mais aussi la question des enjeux de la coéducation (voir l’apport de l’intervention de M-Th Chéroutre, dans le cadre de la Table-Ronde 2).

3- Matinée : "Les pratiques d’éducation populaire : quelle spécificité du scoutisme ?

2Nathalie Duval (Univ. Paris 4)2

"Le scoutisme à l’École des Roches : un laboratoire des méthodes actives".
Intervention très intéressante !

Q. : quel est le rapport du scoutisme naissant avec les courants de l’ "éducation nouvelle" ? Il y a clairement un rapport de similitude entre le scoutisme et l’éducation nouvelle.

Le maître-mot méthodologique, ici, est la notion de "contextualisation".

En 1911, le Directeur de l’Écoles des Roches (dont les élèves s’appellent les "Rocheux") est Georges Bertier. L’École des Roches constitue un cadre très favorable pour les 1ères unités scoutes (EEDF?). Son adjoint est Henri Marty, futur Commissaire EEDF.

Leur action éducative semble reposer sur une anthropologie de type ’tête-corps-âme’ ainsi que sur une interprétation pessimiste de la société de leur temps. D’où ces idées de regénérer la société par des jeunes bien formés, la nécessité de former des "Chefs" qui prendront leur place dans les institutions publiques ! Il faut "faire" des débrouillards, des patriotes, des hommes de caractère, des hommes de devoir …
Et l’arrivée du scoutisme aux Roches ? Bertier avait des contacts (comment ? lesquels ?) avec BP. Dès mars 1911, un major anglais fut envoyé par BP. Nicolas Benoît, officier de marine, avait fait la première (bonne) traduction de "Scouting for boys" mais les premières troupes des Roches travailleront sur de mauvaises traductions… qui ne mentionnaient pas BP ! (il faudra attendre 1917 pour cela, avec la traduction de N. Benoît).

En 1911, il y eut un colloque sur le scoutisme, à la Sorbonne (Paris), sous la présidence de Pierre de Coubertin : première "propagande" en faveur d’un mouvement éducatif.

02/12/1911 : fondation d’un mouvement scout non confessionnel. Scission avec les éclaireurs protestants.

Peut-on discerner des similitudes entre le scoutisme naissant et l’éducation nouvelle ? Oui, si l’on sait que l’École des Roches est organisée comme un campus anglo-saxon. La "patrouille" correspondait à un dortoir ; la "Troupe" à une maison de l’École ; le "CP" au "capitaine de maison". Ce dernier était recruté parmi une élite ; d’ailleurs, le scoutisme était pratiqué parmi une minorité dans l’École. Cela dit, Georges Bertier et son adjoint Marty ont fait de l’École des Roches un laboratoire pour la démonstration du scoutisme et cela devait servir à la "démocratisation" du scoutisme, jusque là pratiqué par une élite fortunée à l’École des Roches !

Quels sont les moyens de propagande utilisés par G. Bertier et H. Marty ?

Rappelons que G. Bertier a conservé la gestion de l’École des Roches pendant 40 ans (de 1920 à 1960). Il est devenu président des EEDF (version démocratique de l’École des Roches). Henri Marty, professeur d’Anglais, était un fidèle de BP : il anime les activités et les chants des scouts ; il fut le rédacteur en chef de la Revue de l’Éducateur (ou de l’ Éducation ?) (où il développe une thématique de la formation des chefs pour regénérer la Nation …). En 1923, Marty devient le Commissaire International des EEDF. En 1923 est créé le camp-école de Cappy (Oise) (cf. : Jambville, aujourd’hui, chez les SGDF?).

Jalons pour résoudre la question sociale, par les scouts : pour Bertier, les scouts doivent participer à la Paix entre les nations. Ils représentent une "alternative pacifiste à la lutte des classes". L’urgence est de trouver des Chefs qui… En 1929, Bertier participe à la fondation des Auberges de Jeunesse.

On comptera environ 400 "rocheux" dans le scoutisme !

Au total : l’École des Roches constitue une rampe de lancement pour le scoutisme naissant, en 1911. La rencontre entre l’École des Roches et le scoutisme a introduit l’idée d’un projet social (qui allait au-delà de la simple activité récréative).

Question de la salle : quel est le contexte intellectuel de Bertier ?

Il a une formation de philosophe (bien qu’il ait échoué à l’agrégation) et en sciences sociales (il a été étudiant à Nancy). Il a certainement été influencé par les idée du "particularisme" qui distingue deux tendances fondamentales : la tendance "communautaire" (qui s’appuie sur le métier, la famille, l’État) et la tendance "particulariste" (qui privilégie les qualités personnelles, la prise en charge de l’individu par lui-même, le goût pour le particulier par rapport au général). À noter que la présidence du Conseil d’administration de l’École des Roches est assurée par Edmond de Molins, promoteur de méthodes neuroscientifiques (?) et considéré comme le continuateur des idées de Le Play, au tournant du 19ème - 20ème siècle. Il serait plutôt "à gauche" (selon l’appréciation actuelle).

Bertier est également dans la ligne des philosophies "spiritualistes" et de la philosophie allemande. Peut-être y a-t-il découvert la catégorie de "méthode active" ? Le syntagme "Éducation Nouvelle" apparaît dans la littérature pédagogique anglaise, en harmonie avec les thèses germaniques. Les Roches ont joué un rôle important dans la diffusion de l’"éducation nouvelle".
Éducation nouvelle : éducation reposant sur les données nouvelles (à l’époque) de la psychologie de l’enfant. Le scoutisme a-t-il fait lui-même des découvertes sur la psychologie de l’enfant ?

Autre personnalité déterminante pour le déploiement du scoutisme naissant en France : le capitaine Royer qui a acheté les droits de traduction de "Scouting for Boys" mais les traductions en sont mauvaises. Et il a fallu attendre 1917 pour que les jeunes éclaireurs disent du bien du livre de BP…

Remarque, suite à une question de la salle : la création de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, à Genève, date de la même époque et est aussi dans la veine de l’éducation nouvelle.

2Arnaud Bauberot, Univ. Paris 122

"Hygiénisme, naturisme et éducation physique : un nouveau rapport au corps ?"
Intervention très intéressante, de la part d’un jeune historien très prometteur me semble-t-il.

A. Baubérot s’attache, dans son intervention, à l’étude de la dimension physique du programme scout.

Pour BP, le scoutisme est avant tout une méthode d’éducation physique (cf. : Éclaireurs) : il s’agit de lutter contre les maux variés de la société britannique du début du XXème siècle. BP est un pragmatique qui travaille sur les dimensions sociale, morale et physique. Son point de vue est celui d’un scoutisme masculin (entre éducation civique et physique)
(les femmes, à l’époque, ne bénéficiaient pas encore d’une émancipation suffisante, au point de justifier d’un intérêt pédagogique pour BP !).

  1. Le corps de l’adolescent est un enjeu majeur du scoutisme :
    Le scoutisme vise au modelage des corps pour aboutir à des normes de comportement. Derrière cela, se discerne une vision pessimiste de la modernité. _ D’où la nécessité d’une régénération physique de la Nation (cf. : "Scouting for Boys"), dans le contexte de la montée des tensions en Europe, particulièrement entre la France et l’Allemagne (ex. : incident de Tanger, en 1905). D’où une mobilisation patriotique de la jeunesse. Le scoutisme se conçoit alors comme une préparation militaire physique (marches, veilles, …)(exercices de gymnastique et d’athlétisme : cf. : l’Hébertisme d’Hébert). On cherche à donner un corps militaire aux jeunes adolescents de l’époque. Cela se passe dans un cadre national : les EEDF, en 1913, reçoivent d’ailleurs une médaille honorifique pour leur contribution à la thématique de "refaire la race" !
  2. Le corps est devenu un enjeu patriotique et militaire : vers la "régénérescence / régénération nationale". On constate un rapport entre la fin d’un conflit armé, des périodes conflictuelles, et des dispositions de santé physique / soin du corps :
    1. la gymnastique prussienne a été inventée après la défaite d’Iéna !
    2. Victor Duruy, en 1868, a introduit la gymnastique dans les programmes scolaires
    3. Juin 1871 : discours de Gambetta à Bordeaux. Il y a un lien évident entre l’éducation physique et la préparation militaire. Après la guerre de 1870-71, création de nombreuses sociétés de gymnastiques dont certaines portent des noms évocateurs : "La Martiale", "La Sentinelle".
    4. Le scoutisme participe à cette promotion intentionnelle du corps des jeunes (défilés, tenues scoutes proches de l’uniforme militaire, …). D’ailleurs, la méthode Hébert se généralise très rapidement dans le scoutisme.
    5. Le corps de l’adolescent devient un élément de démonstration de cet enjeu.
  3. Il y aussi une forte dimension hygiénique / hygiéniste : voir : "17ème Bivouac" ("Comment devenir …") ; 18ème Bivouac (condamnation de la masturbation) ; 19ème Bivouac). (Voir aussi H. et Ch. Bonnameaux, Manuel de Campisme, EEUF?). Autre influence : les éléments d’hygiène formulés par les médecins, au XIXème siècle.
    Mais il y a peut-être loin des prescriptions à la mise en pratique !
    Il y a probablement un écart, en matière d’hygiène alimentaire et d’hygiène du sommeil : on ne dort pas beaucoup dans les sorties et les camps, à cette époque-là ! Mais les recommandations sur la propreté du corps sont certainement mises en application (vêtements aérés, culottes courtes, col ouvert, pour que l’air circule sur la peau ; chapeau en feutre car plus perméable à l’air.

    Cela dit, la tenue scoute passait pour "débraillée" aux yeux de la bourgeoisie… qui a, par ailleurs, la vision du monde "populaire" comme sale, débridé, un monde donc à discipliner !

    Les exigences de tenue / maintien, de politesse furent très suivies dans le scoutisme de l’époque.

  4. S’agissant de la civilisation et des mœurs, le scoutisme naissant et l’éducation nouvelle se caractérisaient par une dénonciation des méfaits (sanitaires et moraux) de la modernité.
    En un sens, le scoutisme, "école de la vie sauvage", est un "vaccin" contre ces méfaits. Est-ce la marque d’un certain "naturisme" : la nature guérit ("natura medicatrix") ; le sauvage comme un modèle. Derrière cela, il y a des nets emprunts à la philosophie "rousseauiste" des médecins hygiénistes du XIXème siècle.
    D’où, le développement des "Écoles de Plein-Air". D’où aussi une
    sensibilité à la Nature (que l’on retrouve dans l’Art-Nouveau et les physio-thérapies, par exemple.
    En réaction à l’accélération de l’industrialisation à la Belle Époque.
  5. En conclusion, A. Bauberot nous soumet une hypothèse de recherche : la Belle Époque est le théâtre d’un nouveau mélange social (bourgeoisie / milieux populaires). La bourgeoisie vit une promiscuité nouvelle avec des milieux qui n’ont pas les mêmes codes de gestion du corps. La bourgeoisie réagit avec ambivalence : par un dégagement de la ville (???) elle cherche des instruments propres à diffuser l’hygiénisme (le scoutisme sera l’un de ces instruments).

Question de la salle : existe-t-il des voix discordantes à propos de cette utilisation du corps (dans le scoutisme, à l’extérieur) ?
Bauberot : "Je n’ai pas trouvé de textes en ce sens !". Il y a probablement eu un PB de mise en pratique : les gens se sont certainement heurtés au principe du désir et au principe de réalité. Le scoutisme a agi comme instrument de TRANSMISSION des HABITUDES.

Question de la salle : quid de l’hygiénisme dans les associations scoutes protestantes ?
Surtout chez les EEUF (inspirés des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens) et le Naturisme. Voir l’Ethnologie Française (pointage du décalage sociologique entre les protestants et les catholiques) : cf. : la réforme de 1890 dans l’Éducation Nationale et l’introduction d’idées hygiénistes (lutte contre la sédentarité).

2Stéphanie Rivoire (archives départementales du Val de Marne, PAJEP)2
Scoutisme, éducation populaire : jeux de pistes dans les fonds d’archives.
Très peu de notes, car discours inaudible malheureusement (problème technique ?) .
Mme Rivoire nous propose une démarche d’analyse du contenu des archives : vers une interrogation transversale des archives (départementales, nationales).

Pose la question du périmètre des archives sur le scoutisme : il semble qu’on ait du mal à le définir (?). Elle semble faire une distinction entre "Éducation Populaire" et "Éducation Nationale".

De quoi dispose-t-on sur le scoutisme ? Le PAJEP dispose d’un certain nombre d’archives d’Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire.

Question à éclaircir, peut-être grâce aux "Actes" de la Journée d’études : où se trouvent les archives du Commissariat à la Jeunesse de Vichy ?

S’agissant du mode d’organisation des associations, les chercheurs pourront mener des réflexions comparatistes sur les structures associatives. (Une suggestion : travailler sur une "histoire financière" des associations - dont les associations de scoutisme - : la lecture des Bilans et Comptes ainsi que les relevés des décisions des Conseils d’Administration est très instructive pour un regard exercé. Cela pourrait donner plein d’indication sur les écarts entre les discours & programmes annoncés et la pratique associative, par exemple, sur les relations avec les pouvoirs publics (par le biais des subventionnements).

Autre axe de recherche : la propagande associative, en tant que transmission du message de l’association (Scoute ou d’Éducation Populaire) ainsi que les moyens mis en œuvre dans le cadre de cette propagande.

Enfin, dernier axe d’interrogation transversale des archives : les relations internationales.

4- Temps de l’après-midi : les tables-rondes

2Présentation d’un film, à partir d’archives cinématographiques scoutes, des années 1930 aux années 1980 -1990 (surtout SDF, apparemment)2

J’y ai noté, au vol, les thèmes iconographiques suivants (sachant que chaque séquence mériterait une analyse pour elle-même et des éléments d’interprétation : qu’est-ce que le cinéaste a choisi de retenir sur la pellicule et pourquoi ? quels rapports nous sont montrés ? Qu’est-ce que cela veut dire ?) :
 des pionniers (SDF) et leurs constructions en camp
 des guides (GDF ?) : elles chantent
 des travaux de froissartage
 la vaisselle au camp
 veillée et feu de camp
 des scouts se promènant dans la nature
 des épreuves sportives ; les "jeux olympiques" au camp
 des airs de Raymond Fau
 des petits jeux (au camp, en sortie, au local)
 des célébrations, présidées par les aumôniers
 implication sociale des scouts ; les camps "feux de forêt" (manipulation des techniques modernes - pour l’époque - de signalisation et de communication).
 des constructions ambitieuses (en taille et sur le plan technique) : est-ce la construction de la piscine de Concoule, par les Pionniers SDF, en 1964 ?
 Les scouts et les actions caritatives : collecte du 25 mars 1964 en faveur du Tiers-Monde.
 Relation à Dieu : la prière scoute
 Au camp : la journée de visite des parents.
 des Jamborees internationaux : ex. : Moisson, en 1947 (Grande importance pour le scoutisme français). Images du défilés des scouts (Champs-Elysées ou Tuileries ?). Il y aurait eu 40 000 scouts français à Moisson en 1947. Commentaire : "le scoutisme est inséparable du meilleur de chaque tradition".
Image du gigantesque "Nœud de Carrick" humain, au Jam’ de Moisson, symbole de la Paix.
 des Jamborees nationaux : "Aujourd’hui, construisons demain". Extrait de l’interview de l’Abbé Pierre, "grand témoin", par Denis Gires.

2Table ronde 1 : Un imaginaire mobilisateur2

3Élise Lewartowski (Archives Départementales du Val de Marne)3

"Le scoutisme dans les sources audio-visuelles de l’éducation populaire".

Si l’on se risque à une "typologie" des sources audio-visuelles du scoutisme, que constate-t-on ?
Les SGDF disposent d’un fond conséquent : près de 60 films (des années 1940 à 1990 - 2000) : ce sont à la fois des outils pédagogiques et des outils de communication :
 années 1940 : peu de films
 années 1950 : films surtout muets
 années 1960 à 1990 : le plus grand nombre des films, des "reportages", des interrogations directes et interviews des jeunes scouts (puis, plus récemment, de guides).

Il existe aussi des films de fiction où des scouts sont transformés en acteurs de cinéma.

Il existe des films où les scouts se tournent en auto-dérision.

Certains films font intervenir des personnalités (ex. : présence de l’Abbé Pierre) ; d’autres sont des extraits de reportages passés à la télévision.

Ces documents archivés ont plusieurs objectifs :
 garder une trace de l’activité scoute,
 constituer un outil pédagogique et un outils de communication,
 montrer les pratiques scoutes.

Autres angles d’insistance de ces documents audio-visuels :
 dans les documents des années 1944 - 47 : les SDF sont dans une période de séparation d’un passé récent et encombrant mais aussi dans une phase de reconstruction. Ils construisent leur mouvement sur l’idéal de paix de l’après-guerre.
 Dans les documents des années 1980 : lesSDF développent un souci de l’environnement et de la conservation du Patrimoine. C’est dans l’air du temps et correspond à l’évolution de la société. Il y a aussi l’axe de la coopération avec l’Afrique du Nord et le Tiers-Monde.
 En somme : les SDF fonctionneraient comme une caisse de résonance de l’évolution de la société dans laquelle ils sont insérés. Se pose ici la question des rapports du scoutisme avec la société.

Conclusion : Vers quelques pistes de recherche nouvelles (locales ou globales), telles que :
 la jeunesse de Plein-Air
 les colonies de vacances du Val-de-Marne : notions de communautés, de rassemblements. Voir les rapports "Jeunesse" et "ville". Voir les documents filmés sur les "envois des couleurs" (Groupes Scouts de France de Vincennes et de Saint-Maurice).

3Laurent Déom (Univ. Catholique de Louvain)3

"Les romans scouts de la collection ’Signe de Piste : un imaginaire aux marges du scoutisme ?"
Très intéressant : fait appel aux théories littéraires actuelles (cf. : les théories de la narrativité, utilisées en exégèse biblique, par exemple).

Un certain nombre de romans - considérés comme emblématiques de la Collection Signe de Piste, parce que les plus réédités (Dalens, Foncine, Vauthier, XB Leprince) - sont relus par L. Déom au travers de concepts issus de la théorie littéraire moderne.

Comment approcher la spécificité de ces romans "scouts", s’il ya une spécificité scoute ?
 ils sont marginaux par rapport aux documents scouts.
 Ils se caractérisent par leur "contrat de lecture" : le texte du roman indique au lecteur comment ce texte doit être lu ; il a une "appartenance générique". C’est un "roman scout" : il fait partie d’une collection réputée pour ses "romans scouts". Le roman a un rapport à la fiction : le roman est toujours un imaginaire.
 Une particularité des romans SDP : ils joignent réalité et fiction (ex. : les Grands Jeux de Foncine).
 Ils reposent sur une convention originale : l’auteur a pour convention de prétendre ce qu’il invente.
 D’où un risque : celui de chercher ce que l’on ne peut y trouver : on ne peut y trouver une reproduction exacte de la réalité scoute, même si ces romans contiennent un écho indirect de l’expérience scoute réelle. Aux chercheurs d’être attentif à cet aspect de ces documents "scouts" !
 La culture scoute y est décrite au travers du prisme personnel de l’auteur (qui ne peut pas s’empêcher de ne pas écrire !).
 Si l’on est attentif au thème de l’imaginaire développé dans ces romans, on remarquera certaines caractéristiques spécifiques, collectives et individuelles :
 "l’Aventure" : elle sera thématisable à l’infini,
 Images : existence de systèmes d’organisation des images
 Imagination : capacité à produire du non-existant (ex. : les Grands Jeux où l’Aventure est nourrie d’imaginaire).
 à noter également une métaphore de la lecture de l’aventure : la lecture et l’écriture sont es aventures ! Dans les romans SDP, la littérature phagocyte un procédé pédagogique (ou serait-ce le procédé pédagogique qui phagocyte la littérature ? ...)
 existence d’un phénomène d’"intertextualité". Par exemple, Foncine et ses référence au Far-West (cf. : "Les jeunes scouts à la Buffalo Bill") : cela naît de ses lectures de jeunesse !Dans un autre registre, je rapprocherai cette intertextualité du concept de "musée imaginaire", cher à Malraux.
 quelle fut alors la réception par les jeunes (et les scouts) des romans de la Collection SDP ? L’imaginaire développé dans ces romans a certainement pu inciter à devenir scout. Mais dans le scoutisme effectivement pratiqué, on pourra aussi lire un infléchissement de la pratique scoute, à la suite de la fréquentation de cette Collection pour la Jeunesse.
 Le scoutisme, ici ou là, a pu apparaître comme un lieu de transposition à l’identique, de la série romanesque, dans les pratiques scoutes (voir la reproduction du "Grand Jeu" des années 30 dans les aventures scoutes réellement vécues dans le massif jurassien de La Serre). Mais il faudrait évaluer le risque d’un décalage entre le langage et le réel.
 On constatera peut-être plus généralement une intégration plus ou moins profonde de la dynamique imaginaire des romans scouts : par l’intégration du procédé littéraire de la conciliation des contraires dans le scoutisme (exemple de quelques ressorts imaginaires utilisés dans les SDF et que l’on retrouve dans les pratiques scoutes : les relations scoutes franco-allemandes par la valorisation d’un type d’androgynie (influence de l’iconographie joubertienne ? n.d.r.) ; par la valorisation du sacré.

Conclusions provisoires
Les "romans scouts de la Collection Signe de Piste engagent une redéfinition des repères identitaires. L’auteur SDP devenant "mystagogue" (initiateur. Cf. : les "Catéchèses mystagogiques" des Pères de l’Église. Par exemple Cyrille de Jérusalem). Il entraîne le lecteur vers une modification existentielle profonde qui n’a plus grand chose à voir avec le scoutisme (mais avec un phénomène littéraire). Qu’en est-il alors de la spécificité du scoutisme ?

3Jean-Jacques Gauthé (président de l’association 1907)3

"Les sources françaises des scouts musulmans algériens".
Très intéressant : exploitation intelligente de nouvelles sources et mise en évidence d’un "Sitz-im-Leben" inattendu pour moi (une autre façon de voir la contextualisation des historiens : le sentiment nationaliste s’est révélé, a éclos dans le milieu de vie scout, par exemple dans l’une de ses activités typiques - le chant scout).

Le scoutisme musulman comme lieu de naissance d’un sentiment nationaliste. Le scoutisme relu comme instrument de mobilisation nationaliste.

Ici, fait étonnant, les sources publiques sont abondantes mais insuffisamment explorées à ce jour ! Mais sur les 3 sources citées par Jean-Jacques Gauthé, je n’ai retenu que les archives judiciaires et militaires officielles (Aix-en-Provence et Vincennes, Service Historique de la Défense Nationale). Je pense que la troisième source, ce sont les archives françaises restées en Algérie.

À noter que les archives scoutes sont incluses dans un vaste contentieux entre la France et l’Algérie qui porte sur un très important volume de documents (200 000 cartons d’archives françaises, soit 150 tonnes au moins, pour la période de 1961 à 1964). La France a procédé au rapatriement de ses archives de souveraineté (Police, Armée, Justice). Mais les archives de gestion (urbanisme, constructions de ponts… et donc également les archives règlementaires d’associations scoutes ou autres) sont restées en Algérie.

Le dossier du scoutisme se trouve dans les archives de la Police, des Renseignements Généraux, de la Sécurité Militaire, du SDECE (SLNA - Service de Liaison Nord-Afrique, créé en 1935). Il y a d’ailleurs des crédits pour le SNLA qui ont servi à financer des troupes scoutes (EEDF - CIE d’Oran) ! Importance du Colonel Schoen (ses 3 fils sont aux EEDF), directeur du Centre CIE, qui a faite une note sur le rôle du scoutisme dans le monde arabe. Il a été suivi par le SNLA (voir Bulletin SNLA ronéoté, Archives Aix-en-Provence, 1940 : cette note incluait les scouts musulmans et les juifs. "indigènes israélites sionistes").

Dans les Archives, JJ Gauthé a même trouvé une sorte de "Top 50" des chants scouts, réalisé par le SNLA. Chants utilisés par les scouts musulmans entre 1935 et 1945 dont le fameux "Mon Pays" de connotation très nationaliste !

Conclusion provisoire :
Les S.M.A. ont su utiliser les chants scouts, à des fins nationalistes (important : dans un pays majoritairement analphabète). Ce qui est un découverte faite à partir de l’exploitation du fonds d’archives de la Police française en Algérie. Mais il ressort aussi de l’exploitation des archives que les scouts on tendance à rechercher la voie moyenne (sens du compromis ?).

2Table ronde 2 : l’identité sexuée.2

3Christine de Bernardy (Archives des Scouts et Guides de France)3

"Archives au féminin, archives au masculin : les archives ont-elles un genre ?" :

Problématique : apparemment la question du "genre des archives" serait importante. Il y aurait même une directive officielle de la DGA (Direction Générale des Archives) en ce sens. Au premier abord, je ne sens pas la subtilité de cette distinction, donc pas non plus sa portée : à suivre … Ceci un sujet d’étonnement pour un non-historien, non-archiviste !
Les fonds d’archives SDF totalisent 500 m de linéaires d’archives. Ceux des GDF représentent 300 m de linéaire. Ils permettent de se faire une idée des représentations Homme / Femme. Les actuels SGDF disposent de la collection complète / exhaustive des revues SDF et GDF. Ils disposent également d’archives "historiques" sur les activités de ces deux associations (mais seulement à partir des années 1960).

D’où : beaucoup de pistes de recherche restent ouvertes (ex. : conceptions d’une association de femmes pour les femmes).

Mais : les archives ont-elles réellement un genre ?

3Sophie Wittemans (Commission Histoire des Guides catholique de Belgique)3

« De la trilogie “garçonne, mère et femme seule” à celle de “guide, sœur et cheftaine” »
En introduction à son remarquable exposé (qui suit l’intervention de S. Wittermans, Marie-Thérèse Chéroutre dira qu’elle "ne se reconnaît pas dans ce qu’elle vient d’entendre" : une telle divergence attire évidemment l’attention de l’ancien scout que je suis).

Nous sommes ici dans un registre de démarcation des univers masculin et féminin. (à l’époque des années suivants la Première Guerre Mondiale). A cette époque (et dès la Première Guerre Mondiale, BP constate l’adhésion spontanée des filles au scoutisme des garçons.

Le mouvement Guide naissant (mais aussi BP ?) va s’attacher à combattre la confusion des genres. D’ailleurs, le terme "Éclaireuses" va très vite disparaître au profit de celui de "Guide".

Dans la foulée des conséquences dramatiques de la 1ère Guerre mondiale, les figures de "garçonne" et de "mère" seront empreinte d’un "façadisme domestique" chez les Guides, plus attirées par les offres d’activités des garçons. Dans les manuels guides, les compétences ménagères de base sont même reléguées dans une sous-catégorie.

La guide est une "sœur" (cette figure l’éloigne du modèle de la Mère). C’est une revendication d’un principe d’égalité avec les garçons. La relation de sororité encourage la relation interpersonnelle (ex. : World Thinking Day qui n’a rien de commun avec le Jamboree des scouts). C’est une valeur politique qui induirait un lien social neuf et, en ce sens, cette relation introduit une dynamique révolutionnaire.

Problème : la Guide est "sœur"… mais pas d’un "frère scout" ! Vrai ?
La sexualité de la Guide est légitimée par la maternité.

Dès 1911, s’impose le modèle de la Cheftaine : la femme seule. Ce modèle se déploiera encore davantage pendant et après la 1ère Guerre Mondiale (et ses millions de morts au combat) : d’où les veuves et les femmes seules ou célibataires. Mais le problème c’est que la condition de célibataire ne change pas le statut féminin au sortir de l’adolescence.

En réalité, le modèle de la "Cheftaine" guide valorise le statut de la femme seule ! (à la différence des dispositions juridiques et fonctionnelles de l’époque).

3Marie-Thérèse Chéroutre (Docteur en Histoire, ancienne Commissaire Générale des GDF3

"La coéducation de nouveaux espaces à explorer".
Très intéressante, vivante et passionnante, car elle pose de bonnes questions. Mais son plaidoyer pour la coéducation m’étonne de la part d’un responsable ès-qualités de l’échec du rapprochement SDF - GDF, dans les années 1973-75 puis 1981-1982 : mais j’ai peut-être une connaissance biaisée, en tous cas insuffisamment informée (par les SDF) des faits de ces époques. D’ailleurs, pour les chefs de base comme moi, la "coéducation" au sens des SDF nous apparaissait beaucoup comme une arme de guerre contre les "féministes" des GDF. Au lecteur donc de faire son travail de distanciation et de nécessaire mise en perspective !

"Je ne me reconnais pas dans la présentation des trilogies de Sophie Wittemans !…". (M-Th. Chéroutre)

M-Th Chéroutre présente la coéducation comme un regard normatif sur la mixité. Elle nous dit, en historienne et en acteur engagé(e), qu’il faut tenir compte des situations de fait, dans la coexistence des garçons et des filles, dans le scoutisme et le guidisme. Mais aussi dans la société.

Un fait majeur : l’évolution de la femme a marqué le XXe siècle.
BP a créé le scoutisme pour les garçons. Aux USA, la plupart des hommes s’inquiétaient au sujet de la virilité de leur(s) fils (cf. : X et Y, Élisabeth Badinter).

En 1909, lors d’un rassemblement scout au Crystal Palace (Londres), on a soudain vu un groupe insolite de filles qui voulaient être reconnues dans le scoutisme ! BP, lui, voulait des garçons forts pour l’Empire britannique. Il fallait que les femmes forment ces garçons : d’où l’idée des Girls Scouts, en réalité (et pas dans un esprit de "promotion de la femme" …).

Après la Guerre de 14-18, BP s’est rendu compte que ces femmes n’étaient préparées aux tâches physiques qui les attendaient ! Il crée donc un mouvement scout national et international pour les filles et la méthode du scoutisme est importée par les filles.

Pour BP, le scoutisme est une forme majeure de sociabilité qui fournit un bagage intellectuel et social aux jeunes. Autant, chez les garçons ce qui est mis en avant, c’est la spécificité des rôles, autant, chez les filles, ce sont les vertus morales (la femme, femme de devoir, reste limitée à la sphère privée).

Les mouvements féminins, en France, surtout chez les GDF et chez les EEDF, ont été fondées et dirigés par des "femmes vigoureuses" (sic !). Ces femmes ont réfléchi sur les moyens de s’opposer à leurs "carences-parce-que-femmes". (NB. : il existe une Association pour l’Histoire des Femmes qui, pour M-Th Chéroutre travaille sur des "sources extraordinaires").

Les années 1970 constituent un grand tournant pour les femmes (mais aussi pour le guidisme ?) : la vie professionnelle des femmes a beaucoup changé et tout un appareil législatif exerce une influence profonde sur leur vie personnelle (ex. : 1974 : Loi Veil sur la libéralisation de l’avortement).

Apparaît, en éducation, le concept de co-éducation, comme vision conjointe sur l’homme et la femme. Derrière cette idée, il y a une philosophie qui rejette la négation de la différence au nom de l’universalisme (héritée de la Révolution Française). Le modèle de la co-éducation a renvoyé les femmes à leur singularité (Cf. : Michel Foucault). Il s’agit d’un regard sur l’Homme, en tant qu’ "Homme et Femme".

Du point de vue de M-Th Chéroutre, la co-éducation doit être analysée selon 3 niveaux :
 celui des finalités de la co-éducation,
 celui de la pédagogie : à cet égard, une pédagogie "indifférenciée" ne serait pas applicable,
 celui des structures : si elles sont déséquilibrées (scouts / guides, sans "parité ?), ni l’homme ni la femme, ni le garçon ni la fille ne peuvent se situer (conviction de M-Th Chéroutre).

Conclusion provisoire :
Quand y a-t-il lieu de différencier les "genres" ? Peut-être est-ce précisément l’intérêt de voir ce qui se passe dans la pratique des unités co-éduquées. (Ma question : dispose-t-on d’élément pour une historiographie de la coéducation dans les unités ? dispose-t-on d’élément permettant de faire ce travail dans différents secteurs de l’ "Éducation Populaire" ?).

Conclusion générale de cette journée d’études

Par Valérie Brousselle (Archives Départementales du Val de Marne).

Les objectifs du Comité d’Organisation de la Journée étaient :
 de favoriser les échanges entre acteurs du scoutisme, historiens, archivistes
 de montrer la richesse offerte par d’autres "compartiments" de l’Histoire de l’Éducation Populaire (les mouvements de Jeunesse, l’histoire culturelle, l’histoire de l’éducation, l’histoire du corps, l’histoire des "genres" : masculinité, féminité).

Pour moi, ces objectifs ont été atteints.

Quelques conclusions générales de cette Journée d’Études :

 nécessité et la diversité des archives comme sources d’un travail historique,
 nécessité méthodologique de "contextualiser " les échanges,
 le scoutisme a montré des spécificités, si l’on observe attentivement ses débuts et son déploiement dans le monde : sa dimension à la fois locale, nationale et internationale ; sa participation à la "régénération nationale" (jusque dans les années 20 - 30) ; sa capacité à être vecteur du sentiment national (nationaliste, même, dans le cas des Scouts Musulmans Algériens) ; sa diversité de Mouvements et de sensibilités (catholiques, protestants, laïques. Minorité : israélites et musulmans).

S’agissant de l’expression des "acteurs des associations scoutes" pendant cette journée d’études : elle est venue sur le tard ! (en fin d’après-midi). Ils ont un rôle dans l’élaboration de l’Histoire : s’ils acceptent le traitement fait par les historiens. Ceci est inédit et pourrait se révéler fécond même pour la recherche historique !

Aucune grille de lecture n’a été dégagée. Il s’agissait seulement de tracer des pistes de recherche sur l’histoire du scoutisme, au travers de centres d’intérêt actuels :
 le rapport au corps (la "religion de Plein Air")
 les préoccupations autour de l’environnement : diffusion des textes scouts dans les patronages, la ruralité : n’est-ce pas, au fond, une diffusion des idées écologiques ?
 le modelage du corps pour la santé, comme moyen de régénération de la nature,
 au travers du modelage du corps par l’éducation scoute, repérer le rapport au corps par la bourgeoisie des années de la Belle Epoque et des Années Folles (années 1930),
 le thème de la représentation de l’Autre (via l’Imaginaire, les films scouts ou des milieux de l’Éducation Populaire) mais aussi de la marginalité du lecteur / du spectateur,
 la ressemblance et la différence des genres (au travers des archives des SDF et des GDF) : archives "organisationnelles" chez les GDF (et le "fatalisme domestique") ; archives "communicationnelles" chez les SDF. Voir l’introduction de la mixité et la formulation de la coéducation et de la différence des genres. D’où des ouvertures possibles : historiques, sociologiques, … (mais aussi anthropologiques, philosophiques, pourquoi pas ?).

Sur cet inventaire de conclusions de la Journée d’Études, Madame Brousselle propose les pistes de recherches nouvelles suivantes :

 il y a lieu d’explorer le rôle des individus (cf. : le rôle des "personnes vigoureuses" du scoutisme féminin, auxquelles M-Th Chéroutre faisait allusion dans son intervention)
 la figure / le modèle du Chef (scout)(mais aussi de la Cheftaine), sa fonction dans l’encadrement social, sa filiation dans les méthodes de management.
 il faudrait des études historiographiques locales, régionales,
 l’impact du scoutisme sur la société, au travers d’un suivi du parcours des militants et des populations en contact avec le scoutisme,
 l’influence des méthodes éducatives : elles traversent tout le secteur éducatif lato sensu et exercent une influence globale sur les individus (Info : il y aura, en 2008, un colloque sur l’Éducation Nouvelle comme attention portée à la psychologie de l’enfant : processus d’humanisation, jeu, parcours de lecteur ou attitude de spectateur),
 le rôle du lien collectif porté par ces mouvements de jeunesse : travail sur les imaginaires collectifs, apport des différents modèles de genre (sororité, cheftaine, chef scout).

Bref, la recherche en histoire du scoutisme pourrait encore recéler de bien intéressantes surprises. Même pour des "anciens" du Mouvement comme moi.

PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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