Les Scouts de France de Belfort, héros de la Résistance

En cette fin d’automne 2004, de nombreuses cérémonies ont lieu pour le 60ème anniversaire de la Libération. C’est le moment de rappeler l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire des Scouts de France, celle du clan routier Guy de Larigaudie de Belfort. Un clan routier à l’époque correspond aujourd’hui à un relais Compagnons.

Le clan Guy de Larigaudie présente l’étonnante particularité d’être la seule unité des Scouts de France qui ait été décoré à titre collectif de la médaille de la Résistance. Créée en février 1943 par la France Libre, cette décoration ne fut attribuée que jusqu’en 1947. Elle était destinée à honorer ceux qui eurent un comportement remarquable dans la Résistance. Elle fut essentiellement attribuée à des personnes (la moitié à titre posthume) mais aussi à quelques collectivités : unités militaires (22 au total, dont plusieurs bâtiments de la Marine nationale), 18 communes dont deux dans le Vercors (La Chapelle-en-Vercors et Saint Nizier-du-Moucherotte qui furent incendiées lors des combats contre le maquis) et 15 collectivités civiles : deux hôpitaux, (Cahors et Saint-Céré), 2 communautés religieuses (les Sœurs du Très Saint Sauveur de Niederbronn et l’abbaye de Timadeuc), un lycée (Bourg-en-Bresse) ... et le clan routier Scouts de France de Belfort.

Le clan de Belfort fut très actif dans la Résistance : renseignements, liaison, distribution de tracts et de journaux clandestins dont Témoignage chrétien. A partir du début de 1944, le clan participa à la réception des parachutages d’armes autour de la commune d’Etobon, près de Belfort, transportant le matériel parachuté, des explosifs et des détonateurs. C’est notamment sous l’action de leur aumônier, Pierre Dufay, qui était également aumônier du lycée de Belfort, et officier lors de la campagne de 1940 que le clan s’engagea dans la Résistance. Pierre Dufay, qui avait aussi été l’un des introducteurs du scoutisme dans la région à fin des années 20, était depuis l’été 1943 chef départemental des Forces françaises de l’intérieur sous le pseudonyme de Raten.

C’est après le débarquement qu’un grand nombre de routiers? rejoignent les maquis et participent aux très violents combats autour de Belfort pendant cinq semaines en novembre 1944. 105 maquisards sont tués durant les combats. Chez les scouts du clan Guy de Larigaudie, 11 des 24 scouts tombent au combat. Une plaque à la citadelle de Belfort rappelle leur sacrifice.

Bernard Braun, agent de liaison du père Dufay est arrêté à Auxelles-Haut le 16 septembre 1944. Torturé durant deux jours, il meurt à 20 ans le 15 avril 1945 en camp de concentration.

Charles Clavey, commissaire de district Scouts de France de Belfort en 1938-1939, fondateur de la 3ème Belfort, responsable d’un dépôt d’armes, meurt le 5 janvier 1945 au camp de concentration de Gross-Rosen.

Les frères Hartweg, Pierre et Claude, moururent d’épuisement tous les deux en camps de concentration : Pierre le 24 janvier 1944 à Buchenwald et Claude le 7 mars 1945 au camp de Flossenburg. Tous deux avaient été arrêtés alors qu’ils tentaient de franchir la frontière espagnole pour rejoindre la France libre.

Yves Hennin, 16 ans, diffuseur de journaux clandestins, meurt le 21 novembre 1944 lors de la libération de Belfort, tué par un éclat d’obus.

Pierre Kammerlocher est tué le 20 novembre 1944 après avoir traversé les lignes ennemies alors qu’il guide une unité des commandos d’Afrique qui tente de s’emparer d’une usine où les Allemands sont retranchés. Il sera décoré à titre posthume de la croix de guerre avec palmes.

Salvador Serena est tué le 27 septembre 1944 alors qu’il participe à l’attaque d’un convoi allemand.

Pierre Dupont, chef de la troupe 2ème Belfort, est tué au maquis le 16 septembre 1944.

L’abbé Pierre Dufay meurt le 31 décembre 1944 dans un accident de voiture alors qu’il inspecte les postes de combat sur le Rhin. Il avait à ce moment intégré la brigade Alsace Lorraine d’André Malraux.

Le 21 juillet 1946, devant des milliers de personnes, Edmond Michelet, ministre des armées, remet la médaille de la résistance au fanion du clan routier de Belfort. Lors de la même cérémonie, le corps des pompiers de Belfort était également décoré de la médaille de la Résistance. On trouvera ci-dessous le rapport du préfet du territoire de Belfort établi fin 1945 proposant les scouts pour la médaille de la Résistance

L’un des aspects les plus étonnants de cette histoire est son oubli quasi-complet chez les Scouts de France. A ma connaissance, seule la revue Scouts de France n° 30 de mars 1980 a évoqué cette épopée, d’une manière d’ailleurs indirecte !! Heureusement que des publications ont eu lieu sur ce sujet. Voir la bibliographie et les liens Internet.

Internet

On trouvera un excellent site sur ce sujet contenant des photos dont certaines ont été copiées pour cet article et l’émouvant témoignage de Lois Bertrand, l’un de survivants du clan Louis, chef de la 3ème Belfort en 1940, a participé activement à la Résistance. Arrêté le 28 août 1944, il est déporté au camp de concentration de Buchenwald. Il a raconté cette épreuve abominable dans le n° 8 du Bulletin de l’association des amis du musée de la Résistance de Besançon de septembre 1999. Son texte sur le scoutisme clandestin que vous trouverez sur ce site était paru dans le n° 7.

Liste des titulaires de la médaille de la Résistance.

Le 21 septembre 2001, le groupe local des Scouts de France de Belfort, réuni autour de la plaque commémorative, se voyait remettre par le président des médaillés de la Résistance le fanion et la citation du clan routier afin de marquer la transmission aux jeunes générations.

La presse locale de Belfort a publié à différentes reprises des articles détaillés sur l’héroïsme des Scouts de Belfort. Voir par exemple la série d’articles du quotidien L’Alsace Le Pays des 5 et 26 octobre 1994 pour le 50ème anniversaire de la Libération ou l’article du 12 février 2001 de ce quotidien sur Internet

21 juillet 1946
21 juillet 1946
Le fanion des Scouts de Belfort va être décoré. Les médailles sont encore sur le coussin.
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Bibliographie :

 Maurice Pourchet Epis moissonnés, imprimerie de l’Est, Besançon, 1946. Cette brochure raconte l’histoire des scouts et des militants de la Jeunesse étudiante chrétienne de Belfort engagés dans la Résistance. L’auteur est un prêtre, ami de l’abbé Dufay.

 Dominique Varry « Jalons pour une histoire des Scouts de France de Belfort, 1929-1945, De la fondation aux combats de la Résistance », Bulletin de la société belfortaine d’émulation, n° 78, 1986, pp 55-76.

 Dominique Varry, "Foulard rouge et noir : le Clan Guy de Larigaudie de Belfort", Résistance-FFI. Bulletin de la Fédération des amicales des Forces Françaises de l’Intérieur du Doubs, du Jura-Nord, et du Territoire de Belfort, n° 23, 1997, p. 27-31.

 La Médaille de la Résistance française, éditions Lavauzelle, 2002. L’histoire de la médaille de la Résistance et de collectivités décorées. Les scouts de Belfort sont présentés p 152-153 avec des photos de la cérémonie du 21 septembre 2001.

 Les articles de presse du quotidien Le Pays-L’Alsace signalés, ceux du Bulletin de l’association des amis du musée de la Résistance de Besançon, de la revue Scouts de France ainsi que La Gazette des Amis de l’Orme rond n° 45, mai 1995.

Les Scouts de France de Belfort lors de la cérémonie du 21 septembre 2001
Les Scouts de France de Belfort lors de la cérémonie du 21 septembre 2001
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PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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