Souvenirs sur les origines du scoutisme à Marseille

Adressés par Monsieur VIDAL à l’occasion du 30ème Anniversaire de la 37e. En 1968, Monsieur VIDAL était agé de 83 ans.

Le Scoutisme existait déjà, lorsque je fus attiré vers lui en 1912, alors que j’étais agé de 27 ans.

Les deux principaux dirigeants ECLAIREURS DE FRANCE dans notre ville étaient Monsieur CHABERT, Chef de rayon "garçonnets" au PARIS-MARSEILLE et le Capitaine BADEL, Officier de Réserve et Chef contrôleur au MAGASIN GENERAL. Le premier s’extasiait sur la beauté de l’uniforme scout dont il était vendeur, le second se délectait aux séances de tir au fusil Lebel, le dimanche matin au stand militaire du Pharo et aux défilés en ville, pas cadencé, clairons et tambours en tête.

Mon rôle consistait uniquement à guider deux fois par mois les excursions en colline. J’orientais toujours celles-ci sur les sommets des environs : Marseille-Veyre, Mont Puget, Carpiagne, Garlaban, Pic de Bertagne... En haut de ces sommets et dans ces solitudes bienveillantes, les scouts se sentaient à leur aise. Il faut dire que la population ne comprenait pas le scoutisme. On appelait les "Boys-Scouts", les "Bois d’escoube". Il en résultait une sorte de répulsion réciproque, se traduisant chez les scouts par une inclination à se singulariser encore davantage. Et c’est ainsi que vint la mode du "peau-rougisme". Les patrouilles prirent un totem. Il y eut bientôt les Hirondelles, les Goélands, les Panthères, les Renards, les Cerfs... Le Conseil de Troupe attribua des noms scouts aux C.P. qui devinrent l’Hirondelle des Prairies, le Goéland vigilant, la Panthère silencieuse, le Renard agile et le Cerf tenace.

En août 1914, la guerre vint brutalement tout bouleverser. Tous les Dirigeants, officiers de réserve, sauf moi-même, furent mobilisés, tandis que les scouts ainés s’engagèrent. Avec les autres, je fis apporter une aide à la Croix-Rouge, brancardiers dans les hôpitaux militaires et à l’Armée Anglaise des Indes, estafettes à ses débarquements à Marseille. Puis je fus moi-même mobilisé. Pendant ma campagne et après avoir été réformé de Verdun en 1916, je n’ai cessé de correspondre avec les C.P. restés à Marseille et les engagés.

Lorsque la guerre a été achevée par la victoire de 1918, j’ai pu constituer avec les anciens Assistants et C.P. un nouveau comité local qui a permis la reprise des activités.

C’est alors, en 1922, que j’eus l’occasion de rencontrer l’Abbé CASTELIN, vicaire à la Major. Pour Pentecôte, une Troupe Eclaireurs de France était allée camper à la Ferme Saint-Joseph, une autre à la Sainte-Baume. J’avais promis à la première de la rejoindre le dimanche et à la seconde, le lundi.

Quand j’arrivais, le Chef de la lère me dit : "Nous avons dû camper en bas dans la prairie, la ferme était occupée par une bande de V.P. (entendez visages pales). Il ajouta "un prêtre les conduit".

- J’espère que vous êtes allé lui demander l’autorisation de camper, lui dis-je.
- Non pas, répondit-il, il est venu nous espionner en essayant de se dissimuler.
- Cette ferme appartient à un prêtre. Je vais aller le remercier de ne pas vous avoir fait courir.

L’Abbé CASTELIN me félicita : "je suis allé voir ce qu’ils faisaient, me dit-il. La nuit tombée, ils avaient allumé un grand feu de bois au milieu de la prairie. Ils prêtaient serment à la loi Scoute. C’était merveilleux".

Il se trouva que l’Abbé CASTELIN et moi-même étions tous deux anciens de l’Oeuvre Allemand. Le lendemain matin, nous donnâmes à l’Abbé Caste-lin et aux garçons de son patronage une démonstration de jeux scouts et en particulier un grand match de lasso qui les enthousiasma.

Par la suite, je fis parvenir à l’Abbé CASTELIN des livres et tracts de propagande, ainsi que l’adresse de la Troupe catholique récemment fondée à Aix. Quelques mois plus tard, je pus assister à la cérémonie d’inauguration de la 1ère Troupe SCOUTS DE FRANCE de Marseille. Vous connaissez la suite et le développement prodigieux qui en est résulté.

Je me suis retiré du scoutisme actif, lorsque j’ai senti que je devenais vieux, car il faut qu’un Chef Scout soit toujours dans sa Troupe celui qui saute le plus haut et qui court le plus vite, car il convient, je crois, de laisser à des jeunes la direction d’un mouvement de jeunes. Mais j’ai toujours gardé pour le scoutisme une admiration sans réserve, un souvenir ému, car ne l’oublions jamais :

"SCOUT UN JOUR, SCOUT TOUJOURS"

Jean Vidal

PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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