Accepter sa faiblesse

Le disciple qui veut servir Jésus dans sa voie à lui doit nécessairement accepter sa faiblesse et donc la tentation. Depuis que Jésus a souffert notre faiblesse et en est mort pour en ressusciter, la puissance de Dieu est cachée au coeur de toute faiblesse humaine, telle une semence qui va germer au travers de la foi et de l’abandon. Aussi longtemps que nous nous opposons de mille manières à notre faiblesse, la puissance de Dieu ne peut agir en nous.

Bien sûr, nous pouvons faire quelque effort pour corriger un tant soit peu notre faiblesse, mais en fait, cela ne sert à rien. Car la merveille de la puissance de Dieu et la merveille de notre conversion sont hors de notre portée. Nous essayons bien de résoudre nos problèmes avec une somme de bonne volonté et de générosité. Nous faisons notre possible pour vivre une vie vertueuse et juste. Nous nous appuyons sur de bonnes résolutions et sur notre énergie naturelle, nous essayons de réussir à partir de notre loyauté, de notre générosité ... tout cela dure un temps jusqu’à ce que nous menacions ruine et soyons au bord de l’écroulement. Dieu merci ! Sans cela nous ne pourrions jamais nous convertir et nous serions restés au service de nos illusions et de nos idoles, ignorant la vraie foi, aussi petite soit-elle .... comme une graine de moutarde. Il faudra même que nous nous écroulions un jour, pour faire l’expérience concrète de notre faiblesse, cette faiblesse dans laquelle la puissance de Dieu pourra enfin se déployer.

Nous connaissons bien notre faiblesse, mais nous ne savons pas comment la gérer. Elle blesse inconsciemment l’image idéale de nous-mêmes que nous portons toujours avec nous. Nous pensons spontanément que la sainteté est à chercher dans la direction opposée au péché, et nous comptons sur Dieu pour que son amour nous délivre de la faiblesse et du mal, et nous permette ainsi d’atteindre la sainteté. Mais ce n’est pas ainsi que Dieu agit envers nous. La sainteté ne se trouve pas à l’opposé de la tentation, mais au cœur même de la tentation. Elle ne nous attend pas au-delà de notre faiblesse, mais à l’intérieur même de celle-ci.

Échapper à la faiblesse serait échapper à la puissance de Dieu qui n’est à l’œuvre que dans celle-ci. Il nous faut donc apprendre à demeurer dans notre faiblesse, mais armés d’une foi profonde ; accepter d’être exposés à notre faiblesse en même temps que livrés à la miséricorde de Dieu. C’est uniquement dans notre faiblesse que nous sommes vulnérables à l’amour de Dieu et à sa puissance. Demeurer dans la tentation et la faiblesse, voilà l’unique voie pour entrer en contact avec la grâce et pour devenir miracle de la miséricorde de Dieu.

PS

André LOUF, cistercien, ’Au gré de sa grâce’, 1989, p. 65-68

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