Construire un imaginaire inoubliable

Tu prépares un camp ou des activités d’année et tu veux créer un imaginaire intelligent, original, inoubliable, utile, amusant, surprenant etc. ? Alors voici quelques conseils ainsi que des exemples tirés de mon parcours pour te montrer comment il est possible de mettre ces quelques principes en application.

1. Pars du projet de l’unité

caisse à savon

Malgré son importance, un imaginaire ne devrait jamais être une fin en soi mais bien un moyen puissant pour enrichir et rendre plus ludique le projet que l’unité a choisi de mettre en œuvre. Quel que soit l’âge, il faut bien comprendre que l’imaginaire ne doit pas être confondu avec le projet. Il est juste un puissant levier utilisé pour t’aider à atteindre tes objectifs pédagogiques en faisant rêver et en amenant tes jeunes à se dépasser.

Ainsi, le projet d’activité inspire en partie l’imaginaire qui en retour enrichit le projet. C’est cet aller-retour qui fait les meilleurs camps, les meilleures activités.

Exemple

 Le projet : les jeunes veulent descendre une rivière en radeau
 L’imaginaire : sur leurs fiers drakkars des Vikings remontent le fleuve Saint Laurent à la découverte de l’Amérique.
 Le résultat : les radeaux construits sont décorés façon drakkars... La descente se fait au rythme des attaques d’indiens etc.

2. Exploite le réel

Un imaginaire malin ne devrait pas être coupé de la réalité. Les lieux, le contexte ou même l’actualité peuvent être autant de sources d’inspiration. 

Ainsi, essaye d’utiliser au mieux les lieux dont tu disposes ou cherche ceux qui sont le plus adaptés. Étudie attentivement les environs de ton camp sur les cartes ign ou des sites comme google maps (regarde les photos postées par les utilisateurs !). Tu dégoteras peut-être des lieux incroyables à utiliser pour tes grands jeux.

Tu peux aussi essayer de prendre en compte l’histoire et le folklore de la région, de rebondir sur un fait d’actualité ou même d’utiliser ce qui se passe au sein de ton unité.

Cela dit, il s’agit de bien doser le degré d’ancrage dans la réalité. S’il est trop fort, on risque de manquer d’amusement et de rêve ; s’il est trop faible on se prive d’un moyen d’amplifier l’impact et l’intérêt auprès des jeunes. Ce dosage dépend aussi de l’âge. Si pour les plus jeunes il est aisé de les emmener dans un pur imaginaire, pour les plus âgés qui ont souvent plus de mal à se prendre au jeu, il sera d’autant plus intéressant de se raccrocher à la réalité.

Exemple 1
 Le contexte : Tu pars camper dans une propriété comportant un magnifique château 19e ainsi que de drôles de bâtiments répartis dans le parc.
 Le résultat : Il sera sans doute plus intéressant de développer un imaginaire à base de steampunk et de mystères sherlockholmiens que de miser sur un imaginaire médiéval.

Exemple 2
 Le contexte : Dans quelques jours a lieu l’élection présidentielle
 Le résultat : Tu inventes un imaginaire qui se passe au pays des super-héros et dans lequel va avoir lieu l’élection du super-président.

Exemple 3
 Le contexte : Tu mènes un projet de film avec tes jeunes. Alors que tu devais commencer le tournage, différentes déconvenues t’amènent à le repousser.
 Le résultat : Tu inclus alors ce problème dans l’imaginaire en organisant un grand jeu pour retrouver la caméra volée par un mafieux bien décidé à empêcher le film de se faire.

3. Écris et fais vivre un scénario original

Un imaginaire réussi c’est avant tout une bonne histoire dont les enfants sont les héros. Comme pour un film, il s’agit d’écrire un scénario intéressant et riche. Voici quelques pistes pour cela :
  Commence par bien définir l’univers imaginaire dans lequel va se situer l’action : quelle époque, quel monde imaginaire, quels protagonistes etc. Essaie d’être un peu original et d’explorer des terres imaginaires moins fréquentées ou carrément imaginées de toutes pièces. N’hésite pas à croiser différentes influences historiques et/ou fictionnelles.
  Dans ce cadre imaginaire, détermine quels rôles vont jouer les jeunes et la maîtrise.
  Puis tâche de définir l’enjeu (à définir en lien avec le projet) ainsi que les étapes qui vont mener à la résolution de l’intrigue (à définir conjointement avec le programme d’activités). Toutes les activités, peuvent être propices à faire progresser l’histoire : une explo peut être présentée comme un moyen de récolter les ingrédients d’une potion magique, une veillée enquête comme une étape clé dans la résolution de l’intrigue, etc.
 Enfin n’hésite pas à intégrer des rebondissements pour éviter que l’histoire que tu racontes ne soit trop linéaire et attendue (du genre : découverte d’une carte -> recherche d’un trésor -> découverte du trésor -> fin). Tu peux aussi délibérément laisser une place à une part d’improvisation et d’inconnu, par exemple en prévoyant un dénouement ouvert ou en introduisant un twist final surprenant.

Exemple 1 (pour les rebondissements et le lien au projet de camp)
Les scouts accueillent un groupe de rock suédois descendant des Vikings qui leur annonce vouloir organiser un festival en l’honneur du dieu Thor et retrouver un trésor enfoui dans la région par un de leurs ancêtres. Au milieu du camp, les scouts découvrent le trésor (non sans avoir dû retrouver la carte volée par un membre du groupe envoûté par une sorcière et combattu des trolls, nains et autres guerriers zombies...). Ce dernier leur permet d’acheter aux enchères les matériaux et déguisements dont ils ont besoin pour présenter un spectacle durant le festival. (Le trésor n’est pas présenté comme une finalité mais comme un moyen).

Exemple 2 (pour la fin ouverte)
Des explorateurs enquêtant sur le naufrage de La Pérouse débarquent sur une île maudite vestige du continent Mû. La moitié des équipes est contaminée par un dangereux virus qui les change en zombie. Un jeu de type prise de fortin détermine qui des zombies ou des humains vont gagner. La suite des activités du camp dépend en partie de cela.

4. Joue le jeu des rôles

Pas d’imaginaire sans rôles à jouer, sans personnages à incarner. S’il est bien entendu important que les animateurs endossent un ou plusieurs rôles, il est tout aussi important que les jeunes sachent eux même quels rôles ils jouent. Il y a 2 manières d’aborder la question :

  • Soit les jeunes jouent leurs propres rôles dans le cadre habituel du scoutisme et l’imaginaire est introduit petit à petit (par la réception d’un lettre, la visite d’un personnage étrange, une découverte extraordinaire, la disparition d’un objet, etc.) avant éventuellement de basculer dans l’imaginaire pur (un tour en machine à voyager dans le temps, la traversée d’un portail pour passer dans une autre dimension, la prise d’une potion magique pour voir les êtres fantastiques etc.). Dans ce cas, le rôle de chaque jeune pourra naturellement évoluer de son propre rôle vers celui d’un explorateur spatio-temporel, d’un magicien, d’un scientifique etc.
  • Soit ils sont dès le départ immergés dans l’imaginaire et jouent un rôle en rapport avec celui-ci. Dans ce cas, il peut être intéressant de s’inspirer des jeux de rôles grandeur nature où chaque joueur incarne un personnage bien défini possédant un nom et des caractéristiques qui lui sont propres.

Il n’y a pas de solution meilleure que l’autre. Le choix se fera, en fonction de l’âge, de la facilité des jeunes à rentrer dans un imaginaire ou tout simplement de ton inspiration.

Concernant les animateurs, leur manière de jouer leurs rôles doit prendre une dimension théâtrale. L’important n’est pas forcément de savoir bien jouer mais de le faire avec suffisamment de conviction pour amener les enfants à y croire. Aussi il faut faire de son mieux pour tenir son rôle pendant toute la durée des phases d’imaginaire et ne pas constamment alterner entre son rôle de responsable et son rôle dans l’imaginaire.

Exemple 1 (immersion progressive) A leur réveil le premier matin, les louveteaux? découvrent au milieu du camp les restes d’un vaisseaux spatial écrasé. Une piste à la peinture verte les mène jusqu’à un alien blessé. De simples louveteaux, ils incarneront progressivement le rôle d’explorateurs spatiaux lorsque après avoir aidé à réparer le vaisseau ils s’envoleront pour la planète Zorglon.

Exemple 2 (immersion immédiate) Avant le camp, les jeunes sont invités par lettre à rejoindre les compagnons de Robin-des-bois afin de lutter contre la tyrannie du Prince Jean. Dès leur arrivée sur le lieu de camp, ils sont accueillis par Petit Jean et Frère Tuck...

5. Soigne la mise en scène

Il s’agit de prévoir tous les éléments qui vont favoriser l’immersion dans l’univers imaginaire :

  • comment introduire l’imaginaire et les différents rebondissements de l’histoire ?
  • quels déguisements et accessoires ?
  • quels décors (naturels ou construits) ?
  • comment conclure ?

Ce n’est pas forcément la peine d’en faire des tonnes, ce qui compte c’est de trouver ce qui va créer une ambiance particulière, sortir de l’ordinaire et amener de la magie. Parfois il suffit d’un petit plus qui va tout changer et rendre l’instant inoubliable. En bon scout, essaie de tirer au maximum profit de ce qui t’entoure et fait marcher la récup et le système-D. Encore une fois, utilise les lieux particuliers qui sont à ta disposition.

Exemple
 Le contexte : Pendant tout le camp l’imaginaire a conduit les jeunes à partir à la recherche de la source universelle de magie. Lors de la dernière journée, voici venu le temps de la découverte.
 La mise en scène : Tu as repéré une petite île au milieu d’un étang non loin du camp. Tu débroussailles la partie centrale destinée à accueillir la source (en réalité un feu de bengale). Les scouts y accèdent la nuit tombée sur un radeau déplacé à l’aide d’une corde tendue. À la lueur de torches, les membres de la Confrérie des servants de la Source les accueillent tout de blanc grimés dans leurs longues robes blanches.

6. AMUSEZ-VOUS !

Finalement le conseil le plus important est bien celui de vous amuser. Un imaginaire s’il est ennuyeux à préparer et à vivre sera toujours un imaginaire raté. N’hésite pas à introduire un maximum de fun et de bons gros délires. Les seules conditions étant qu’ils soient au final partagés avec tes jeunes, qu’ils ne contredisent pas tes objectifs pédagogiques et qu’ils ne remettent pas en cause la sécurité.

C’est la complicité entre jeunes et animateurs qui est avant tout la clé du succès. Tout le monde sait bien que c’est « pour de faux » mais on joue tous ensemble à faire comme si c’était « pour de vrai ».

Si cette alchimie opère, nul doute que l’imaginaire et de surcroît le projet de l’unité seront inoubliables !

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