Les styles d’apprentissage sont-ils réels ?
Neuromythe ou réalité ?
Nous te présentons ici la traduction que nous avons faite d’un article de The Atlantic écrit par Olga Khazan et publié le 11 avril 2018. Nous n’avons rien ajouté, et ne sommes pas des traducteurs professionnels.
Au début des années 1990, un néozélandais, Neil Fleming décidait de faire le point sur une observation qu’il avait faite en observant des classes pendant ses années d’inspecteur académique. Parmi plus de 9000 classes visitées, il observa que seuls quelques professeurs étaient capables de toucher tous les étudiants de leur classe. Que faisaient-ils différemment ?
Fleming a fait le point sur les méthodes par lesquelles les personnes aiment recevoir une information. Par exemple, pour demander son chemin, préferez-vous qu’on vous dise où aller, ou que la personne gribouille une petite carte sur un papier ?
De nos jours, le questionnaire VARK que Fleming a développé pose 16 questions de ce genre pour déterminer le « style d’apprentissage » de quelqu’un.
Le questionnnaire VARK [1] - qui signifie « Visuel, Auditif, Lecteur et Kinesthesique » - trie les étudiants entre ceux qui apprennent le mieux visuellement, oralement ou en entendant l’information, par la lecture, ou en utilisant la manipulation et le toucher. (« J’ai appris bien après que vark veut dire cochon en allemand. Je n’ai pas pu avoir le site vark.com car il appartient à un magasin d’animaux de companie pennsylvanien qui l’utilisait pour vendre des cochons » écrit Fleming).
Il n’était pas le premier à suggérer que tous les individus ont des “styles d’apprentissage” variés - les anciennes théories proposaient un “VAK” sans la lecture et des notions de “convergeurs” et d’“assimilateurs” - mais le modèle VARK est devenu l’un des plus courants.
Les experts ne sont pas certains de la manière dont le concept s’est imposé, mais cela semble lié au mouvement d’estime de soi de la fin des années 80, début des années 90. Tout le monde était unique - et devait donc aussi avoir un style d’apprentissage unique. Les professeurs en parlaient aux étudiants en master. “Les professeurs aiment à penser qu’il peuvent atteindre chaque étudiant, même ceux en difficulté, simplement en adaptant leurs instructions pour que chacun utilise sa méthode d’apprentissage préférée” explique Abby Knoll, un doctorant de l’université de Central Michigan ayant étudié les styles d’apprentissage. (Les étudiants, pendant ce temps, ont tendance à expliquer leurs échecs scolaires par l’échec de leurs professeurs à adapter leur style d’enseignement à leur style d’apprentissage).
Quoi qu’il en soit, "quand nous récupérons les étudiants à la fac" dit Polly Husmann, professeur à l’université d’Indiana, "on leur a déjà dit ‘tu est un apprenant visuel’ "
Le problème, c’est que ce n’est pas le cas. Ou au moins, de nombreuses preuves suggèrent que les gens ne sont pas vraiment d’un certain type d’apprentissage ou d’un autre. Dans une étude publiée le mois dernier dans le journal “Anatomical Sciences Education”, Husmann et ses collègues ont fait passer le questionnaire VARK à de nombreux étudiants pour déterminer quel genre d’apprenant ils étaient supposés être. Le résultat leur a donné des stratégies d’apprentissage qu’ils semblaient pouvoir corréler avec leur style d’apprentissage. Husmann a trouvé que non seulement les étudiants n’étudiaient pas d’une manière qui semblait refléter leur style d’apprentissage, ceux qui avaient adapté leur manière de travailler à leur style n’avaient pas eu de meilleurs résultats.
Husmann pense que les étudiants étaient tombés dans une certaine habitude de travail, qui, une fois installée, était trop dure à changer. Les étudiants semblaient intéressés par la connaissance de leur style d’apprentissage, mais pas assez pour changer leurs habitudes de travail en conséquence. Et même si ils l’avaient fait, cela n’aurait pas changé grand chose.
“Je pense que c’est un exercice purement réflexif et VARK peut être bénéfique pour faire réfléchir sur les habitudes de travail” dit Husmann. “Mais notre façon de classifier ces styles d’apprentissage jusqu’à maintenant ne tient pas la route”
Une autre étude publiée l’an dernier dans le “British Journal of Psychology” a trouvé que les étudiants qui préféraient un apprentissage visuel pensaient qu’ils retenaient mieux les images, et ceux qui préféraient apprendre verbalement pensaient qu’ils retenaient mieux les mots. Mais ces préférences n’avaient pas de corrélation avec ce qu’ils retenaient (en mots ou en images). En substance, tous les “styles d’apprentissage” signifient, dans ce cas, que les sujets préfèrent les mots ou les images, pas que les mots ou les images fonctionnaient mieux pour leur mémorisation.
Dit autrement, “il y a des preuves que les individus essayent de réaliser leurs tâches en accord avec ce qu’ils croient être leur style d’apprentissage, mais cela ne les aide pas”, explique Daniel Willingham, un psychologue de l’université de Virginie. En 2015, il a fait une compilation de la littérature sur les styles d’apprentissages et en a conclut que “les théories des styles d’apprentissages ne sont pas concluantes”.
Cette même année, un papier du Journal of Educational Psychology n’a pas trouvé de relation entre les styles d’apprentissage des sujets étudiés (visuel ou auditif) et leur performance aux tests de compréhension à la lecture (ou à l’écoute). Au lieu de cela, les apprenants visuels ont eu des meilleures performances à tous les types de tests. Par conséquent les professeurs devraient arrêter d’essayer de préparer des leçons spécifiquement pour les “apprenants auditifs” concluent les auteurs. “Les éducateurs pourraient nuire aux apprenants auditifs en essayant continuellement de s’adapter à leur style d’apprentissage auditif”, écrivent-ils, “au lieu de se concentrer sur le renforcement de leurs capacités visuelles”
Dans notre conversation, Willingham a évoqué une autre étude publiée en 2009 dans laquelle des personnes qui affirmaient aimer penser visuellement ou verbalement essayaient réellement de penser ainsi : les visualiseurs autoproclamés essayaient de créer une image et les verbalisants autoproclamés essayaient de former des mots. Il y a eu un problème, nous dit-il : « Si vous êtes un visualiseur et que je vous donne des images, vous ne vous souviendrez pas mieux d’une image que quiconque se disant verbalisant."
Cela ne veut pas dire que tout le monde a le même niveau pour chaque compétence, bien sûr. Chaque personne a des capacités différentes, pas des styles d’apprentissage, dit Willingham. Certaines personnes lisent mieux que d’autres ; certaines personnes entendent mieux que d’autres. Mais la plupart des tâches que nous avons à faire ne sont faites que pour un seul type d’apprentissage. Il est impossible de visualiser un accent français parfait, par exemple.
Le questionnaire VARK lui-même illustre très bien ce problème. par exemple, une question demande :
Vous planifiez des vacances pour un groupe. Vous voulez un retour de leur part à propos du programme. Que feriez-vous ?
– décrire les moments forts qu’ils vont vivre
– utiliser une carte pour montrer les destinations
– distribuer une copie imprimée de l’itinéraire
– les appeler, leur envoyer un message sur mobile ou un email.
Bien sûr que n’importe quel humain ayant des relations sociales en 2018 enverra un email à ses amis pour coordonner le voyage de groupe, que l’email inclue ou pas les 3 premiers éléments. (une autre question demande gentiment “vous aidez quelqu’un qui veut aller à l’aéroport” et suggère plusieurs manière de donner le chemin, avec l’option de simplement “aller avec elle.” Cela dépendra du “elle” en question, probablement)
L’idée des « styles d’apprentissage » a fait boule de neige : jusqu’en 2014, plus de 90% des enseignants de divers pays en étaient convaincus. Le concept est intuitivement attrayant et promet de révéler des processus cérébraux secrets en quelques questions seulement. Étrangement, la plupart des recherches sur les styles d’apprentissage commencent par une présentation positive de la théorie - avant de montrer qu’elle fonctionne pas.
Willingham va jusqu’à dire que les gens devraient cesser de se considérer comme des apprenants visuels, verbaux ou autres. “Ce n’est pas comme si quelque chose de terrible allait vous arriver [si vous tenez aux styles d’apprentissage]”, dit-il, mais cela ne présente aucun avantage non plus. « Tout le monde est capable de penser avec des mots, tout le monde est capable de penser avec des images mentales. N’est-il pas plus bénéfique d’imaginer que tout le monde soit pourvu d’une panoplie de façons de penser, et que chacun réfléchisse à quel outil est le meilleur pour lui ?"
Selon Husmann, le point le plus important pour ceux qui souhaitent apprendre quelque chose de nouveau, est simplement de se concentrer sur la matière - c’est ce que les étudiants les plus performants de son étude ont fait. Plutôt que de faire défiler des carte d’apprentissage sur vos genoux, par exemple… « Mais je regarde vraiment le match de football », disait-elle.
Fleming n’a pas renvoyé une demande de commentaire dans les délais impartis, mais ses propres papiers semblent mettre en garde contre le risque de se laisser entraîner par VARK. « Je pense parfois que les étudiants et les enseignants accordent plus d’importance à VARK qu’il ne le mérite », écrit-il en 2006. « Vous pouvez aimer quelque chose, et être bon ou pas à cela … VARK vous dit à quel point vous aimez communiquer. Cela ne vous dit rien sur la qualité de cette communication. "
En d’autres termes, cela pourrait aider à mieux se connaitre, mais pas à mieux apprendre
Notes
[1] En anglais : Visual, Auditory, Reading, and Kinesthetic
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