40 ans de scoutisme à Charonne (chronique 1934 - 1939)

Un grand bond

Après les années de mise en place du Groupe, s’ouvre la période dynamique et enthousiaste qui correspond au développement général du scoutisme. Chaque jour est une invention, à Paris comme aux camps, mais le cadre est maintenant bien défini et l’organisation bien au point.
Le mythe de la Chevalerie, mêlé d’un peu d’indianisme, est favorable à une spiritualité qui n’est pas contestée dans notre paroisse. Servir son prochain... A Saint Germain de Charonne on est en terrain de mission : sur la " zone " des fortifications et même sur une partie du 20ème arrondissement à la sociologie populaire.
En tous cas on vit un scoutisme généreux, de qualité et de fêtes, avec des chefs plein de talents : Roger et Georgette Odoul, Jean Aine, Marie Louise Dietrich, André Schlesser, Léon et Marcel Catusse, Georges Chrétien ...
Avec des années parfois moins brillantes, le Groupe arrive toutefois en pleine forme en 1939 comme en témoigne la richesse des effectifs à cette date.
C’est malheureusement une période de drame aussi, les accidents mortels de Paul Chrétien et du Père Yves Le Lorrain, la maladie fatale de Joseph Cordeiro... et la guerre !

1934

Encore une " Grande fête d’hiver " ! au programme cette fois, " cocktail scout " par l’orchestre, " Le rêve du grand père " par la meute, " les olives " à la manière des Comédiens routiers?, par les chefs, " Pif luisant " par la route et la troupe.
Le 8 mars au Trocadéro a lieu une " grande fête des scouts de la Province ".

Mais voici les activités du trimestre, reflet de la vie scoute de ces années là. Le camp de Pâques a lieu du 31 mars au 2 avril à Ballainvilliers, dans la propriété des Sœurs de saint Vincent de Paul.
Le 4 mars, Maurice Leduc (Ramiers), Robert Guffroy (Hirondelles), M Cluzeau (Rouges Gorges) et Georges Chrétien (Alouettes) montent à la troupe. Jean Barat et L Bréchi font leur promesse. Marcel Catusse et Victor Carrieri sont nommés SP?.
Le 11 mars une sortie de secteur à lieu à Maison Laffite.
Au mois d’avril Jacques Bouléti fait sa promesse et Norbert Caunègre est admis à porter l’uniforme.
Entrée à la troupe, port de l’Uniforme, Promesse, voilà les trois étapes à franchir pour devenir vraiment Scout.
Le 15 sortie de troupe à Montgeron, le 29 à Massy Verrières.

Le 17 juin à lieu la Kermesse.

En juillet André Gozzi est nommé SP aux Alouettes et Emile Legentil admis à porter l’uniforme. Et du 13 juillet au 5 Août, c’est le Grand Camp des alpes, au prix de 300F !

Léon Catusse poursuit :
“ Pour la seconde fois 1934 nous amène dans les Alpes. Au lieu des pics du briançonnais c’est le lac d’Annecy qui nous accueille "
(Marcel Catusse se souvient que la traversée d’Annecy à Menthon s’est faite en bateau à aubes),
" (...) C’est en effet au château de Menthon que nous campons. De nombreux scouts nous y ont déjà précédé, où le livre d’or que la Comtesse présente aux Chefs porte les signatures du Chanoine Cornette et du Général de Salins.
Au château, vrai nid d’aigle semblable un peu aux burgs allemands, on montre la fenêtre par laquelle Bernard de Menthon (Saint Bernard) sauta sur les rochers pour fuir sa famille qui voulait le marier, et s’engager au service de Dieu.
La propriété à flanc de montagne, est dominée par une haute muraille rocheuse, les dents de Lanfon, qui se dresse face au soleil couchant, et prend tous les soirs des teintes merveilleuses, passant par toutes les gammes de violet.
Devant nous, s’étend le lac, que nous apercevons au dessus des arbres couvrant la pente, et dans lequel nous allons nous baigner. Le camp est bordé par un ruisseau et une cascade nous permet des douches froides tous les matins.
En longeant le lac vers le sud est, on arrive à la Tournette, au dessus du village de Talloires. Les Chefs et les Routiers en ont fait l’ascension, un soir, couchant à mi-hauteur, pour arriver au sommet le matin avant le lever du soleil. Et c’est un spectacle féerique qui nous a été offert aux environs de 3000 mètres d’altitude : le soleil éclairant peu à peu les pics plus ou moins neigeux et jaillissant enfin de l’autre côté des Alpes.
Nous voilà partis pour le Grand Saint Bernard. Nous arrêtant à Chamonix, nous escaladons le Mont Blanc jusqu’à la gare du funiculaire de Montenvers, et redescendant à travers la mer de glace. Puis (...) nous arrivons au col du Grand Saint Bernard, où nous recevons l’hospitalité des Pères, à l’hospice, après avoir fait connaissance avec les célèbres chiens d’avalanche. -suivent des considérations touristiques non reprises ici-.

Pendant que la troupe était en Savoie, la meute visitait l’Auvergne, aux environs de Saint Flour. (...) ".

Mais reprenons la présentation des activités courantes. En novembre André Gozzi est nommé CP des Léopards, Robert Guffroy ffCP des Alouettes (ff = faisant fonction ; se dit d’un CP ou d’un chef qui n’est pas encore nommé officiellement. En général, on reste ff de 6 à 12 mois environ), Maurice Taffin SP des Ramiers. Emile Legentil fait sa promesse. Joseph Cordeiro obtient la badge de campeur, Gérard Wlérick la seconde classe.
François Rouziou devient ASM
M Cluzeau et Georges chrétien font leur promesse à Noël autour d’un arbre suivi d’un réveillon et Maurice Taffin obtient sa seconde classe.

1935

Après la fête de Province au Trocadéro en mars, le camp de Pâques a lieu à Tournenfil près du Plessis Chenet, en Seine et Marne.
Le 2 juin les scouts sont mobilisés pour faire le service d’ordre (en fait, une haie d’Honneur) lors de la visite du cardinal Verdier à Charonne. Au programme de la fête de Groupe du 16 juin ? Une chorale scoute, puis " Raminagrobis en correctionnelle " par la meute, " cataclysme " par la troupe, " la tarentule " par la route.
On note une sortie avec les parents en forêt de Sénart le 18 de ce même mois., et que Lucien Schlesser est nommé 1er CP.

“ Au cours de l’année 1935, il n’y a pas de changement notable dans la troupe et sa Scoutmaîtrise. Mais, à la meute, Georgette Odoul nous quitte pour le district, et Blanche Chevalier pour la 84ème Paris. La meute passe donc entre les mains de Marie Louise Dietrich, avec Georgette Mousseau, déjà assistante de Georgette Odoul . (Georgette Mousseau se mariera avec Louis Tillet, et de 3)

Le camp, dirigé par Roger Odoul, nous appelle cette année en Belgique. Le débarquement à Ougrée, près de Liège revêt une allure solennelle : la troupe d’Ougrée nous attend sur le terrain de camp et accueille au cri de “ Vive la France ” les garçons un peu ahuris par cette réception inattendue. Deux mâts sont déjà dressés, où nous hissons simultanément les couleurs françaises et belges, et une sorte de cantine est même installée au camp, où l’on vend un peu de tout, jusqu’à du tabac (avant la guerre, les associations françaises du scoutisme étaient les seules à interdire de fumer en uniforme).
Malgré cet accueil chaleureux, nous fûmes grandement déçus par le lieu de camp qui nous était offert : un pré sans arbre, loin des bois, loin de l’eau, où meutes et troupes campèrent à deux cents mètres de distance. De plus, en plein pays minier, l’horizon nous offrit la vue des “ terrils ”, ces immenses cônes de scories, et la nuit, le ciel était tout rouge des lueurs des hauts fourneaux.
Le camp s’avère donc tout de suite impossible en cet endroit, et il faut immédiatement en trouver un autre. Chef de troupe et Aumônier se lancent donc en taxi (le change nous était favorable comme nous le verrons par la suite), à travers la Belgique. Sur la foi d’un renseignement, ils se rendent au château de Bellème à Rochefort dans les Ardennes. Là, nouvel accueil enthousiaste, comme partout en Belgique, mais la châtelaine est au regret d’avoir déjà deux Groupes SDF dans son parc. M. l’abbé Fabre, poussant le tableau un peu au noir lui dépeint la situation des garçons venant d’un quartier industriel de Paris, qui au lieu d’air pur, retrouvent au camp l’atmosphère des usines. Si bien, qu’apitoyée, la brave dame trouve qu’il est impossible en effet de les laisser dans de telles conditions, et nous accepte chez elle. Le parc est d’ailleurs très vaste, et nous avons pu y camper sans inconvénient, en même temps qu’une troupe de Versailles et une de Rouen.
Au moment de partir pour les Ardennes, notre Aumônier demanda à son cousin, un ingénieur qui nous avait procuré le premier terrain de camp, comment remercier les Chefs qui nous avaient si bien reçus, et ce cousin suggéra à l’abbé Fabre de lui décerner quelque décoration. Ainsi donc, en prenant congé, nous avons remis au chef de troupe une bande de la 37 et le scalp des Elans, en le nommant membre d’honneur du Groupe et de la patrouille des Chefs. Deux ans plus tard, venu à Paris pour l’exposition de 1937, il arborait fièrement ces insignes.
(... suivent des considération touristiques du voyage de trois jours d’excursion à travers la Belgique pour rejoindre le nouveau lieu de camp, avec un ébahissement face au change très profitable qui permet d’aller au restaurant " même à l’intérieur de l’exposition de Bruxelles ! ")
" A Bruxelles, nous avons couché au home scout, où nous avons rencontré des Suisses et des Ecossais. C’est ce soir-là, dans la banlieue de Bruxelles, à Ixelles, que naquit le Club des Neurasthéniques, alors que nous attendions pendant une heure qu’on nous fasse des crêpes, car il n’y avait plus de dessert à la cuisine. (...) et nous arrivons enfin à Rochefort.
Arrivés sous la pluie, en camions, nous sommes accueillis par la châtelaine, qui nous a fait préparer du feu dans un pavillon de chasse, car il fait presque nuit et le sol est trop mouillé pour dresser les tentes le soir même. Nous dormirons donc dans une pièce dont la cheminée monumentale brûle d’énormes bûches.
En plein dans les Ardennes, le paysage est tout différent de ce que nous avons vu dans la plaine belge, et plus agréable que les usines de Liège.
Nous sommes ici au pays des grottes, à 6 Km de Rochefort. Han sur Lesse possède les grottes les plus célèbres. (... suit une description des grottes non reprise ici).
A Rochefort près du camp, d’autres grottes offrent un aspect différent, moins grandiose, mais plus sauvage. Le guide était particulièrement cocasse, en disant, avec un bel accent belge ; “ c’est ici l’ancienne sortie naturelle : on voit encore les marches ! ” puis, à la fin de la visite : “ Mesdames et Messieurs, la visite est terminée, généralement le pourboire est facultatif ” !
Dans le camp même, nous avons aussi une grotte, beaucoup plus petite, donc beaucoup plus intéressante pour les routiers et les chefs, qui l’ont visité avec des bougies. C’était là de la vraie spéléologie ; escalades, ramper, descentes au fond de puits, à la recherche d’un petit lac dont nous avait parlé le propriétaire, qui lui-même n’y descendait pas car il était trop gros pour passer.
Un des côtés de la vie monastique nous a été révélée, à Rochefort, par la visite de la Trappe ; les cheftaines sont restées au camp ce jour-là.
La plus forte impression laissée par ce camp a été l’accueil reçu des belges, scouts, moines, châtelains et habitants du pays. Très hospitaliers et francophiles, ils nous ont tous reçu chaleureusement, depuis les douaniers jusqu’aux commerçants, et devenaient enthousiastes en voyant sur nos chemises les bandes du Clan du Roi Albert, Clan de Paris Est avant la guerre, fondé au moment de la mort du roi Albert de Belgique (en 1934). ”

Cette même année, Baden Powell of Gilwell vient à Paris. Les scouts se cotisent d’un franc chacun pour lui offrir une Rolls !

La fin de l’année apporte son lot de promotions, de nominations et de changements de CP : Jean De Rycke obtient sa première classe et les badges de pionnier? et de nageur, puis devient en novembre Instructeur et secrétaire de troupe. L’instructeur est alors un CP qui se prépare à devenir assistant et qui se met en position de formateur technique des autres scouts.
Lucien Schlesser passe ASM. Paul Chrétien devient CP des Ramiers, Maurice Taffin prend les Alouettes, Emile Legentil, les Hirondelles.

1936

Poursuivons le récit de Léon Catusse.
“ Année cruciale pour le Groupe, mêlée de joies et de peines. Monsieur l’abbé Fabre notre Aumônier depuis près de dix ans, nous quitte, nommé vicaire à Saint François d’Assise (il ne devait pas quitter l’ambiance scoute, puisqu’il est maintenant curé de Saint Georges). La grande fête à laquelle nous pensons depuis fort longtemps, le dixième anniversaire du Groupe, réunit pour la première fois les anciens pour une messe dans l’ancienne chapelle de la rue des Haies et un repas dans la salle des fêtes. L’après-midi est consacrée à des jeux où nous essayons à grand peine de faire retrouver par ceux qui nous ont quittés depuis plus ou moins longtemps, l’entrain de leur jeunesse. Nous avons dû constater qu’ils étaient, pour la plupart, pas mal “ embourgeoisés ” et difficiles à remuer. Peut-être en sera-t-il ainsi des scouts actuels, lors du trentième anniversaire ?

Les 8 et 9 février a lieu la fête de Groupe. Au programme cette année, des chants scouts, " Les deux Robinson " par la meute, " Ninie " par la troupe, " la farce du chaudronnier " par les chefs et routiers.

Le camp de Pâques a lieu au château de Champs près de Chelles en Seine et Marne pour le prix de 25F et l’habituel camp de district de la pentecôte à Ormesson.

C’est donc le dimanche 24 mai que le Groupe fête ses 10 ans. Dans " Vetera et nova " d’avril 1936, première année, n°1, " Le bulletin de liaison semestriel du 37ème Groupe de Paris ", l’Abbé Fabre relève que restant près de neuf ans avec la 37, il a noté que près de 200 jeunes ont déjà fait leur promesse. Le bulletin présente les unités aux anciens susceptibles de venir à la fête :

La meute comprend 36 petits loups, dirigés par Marie-Louis Dietrich, assistée de Gorgette Mousseau et " pour le jeudi " de Marie Bourse. Elle comprend cinq sizaines : les blancs avec Jean Robin sizenier, les noirs avec René Piesses, les bruns avec Daniel Albe, les roux avec Paul Cimegotto et les gris d’Emile Guerre.

La troupe regroupe 33 scouts dirigés par Roger Odoul, avec Lucien Schlesser assistant et Jean de Rycke " instructeur ". Il y a 5 patrouilles " qui ont toujours leur home clôturé, fermé avec sa lampe électrique, sa table, ses bancs etc. La seuls différence est que juste en face de la porte d’entrée, s’est constitué la tanière des Léopards. La décoration d’ensemble n’est certes plus la même, mais on y revoit tout de même de vieux souvenirs ". On cite les Alouettes, CP Maurice Taffin, les Hirondelles, avec Emile Legentil, Les Rouges Gorges avec Marcel Catusse, les Ramiers de Paul Chrétien et les Léopards de Gérard Wlérick.

A la Route 8 garçons qui forment la patrouille Guynemer : Denis Gaumé est compagnon? (c’est à dire CP des routiers) et revient du service Militaire ; Louis Tillet est compagnon ; Louis Ponsanel ; Henri Grun est chef de la 108ème Paris, Paroisse du Bon Pasteur. (Henri Grün, Louis Ponsanel et Louis Tillet ont fondé la 108ème Paris. Il s’agit d’un retour aux sources puisque, comme nous l’avons vu, la 37ème est issue de cette Paroisse. Sur une photo de la 108ème, on peut voir ces chefs, un CP Guy Breton (l’historien !), ainsi que la cheftaine Jacqueline Faillot, une nièce du constructeur d’automobiles Panhard) ; Léon Catusse est louvetier à la 62ème Paris , meute de la Paroisse Saint joseph rue saint Maur ; Georges Poete, est chef de la 2ème Montreuil, Troupe Saint Paul, sur la Paroisse Saint Louis du Haut Montreuil ; Robert Guillot ; Joseph Cordeiro suit la meute de formation des louvetiers. Le rédacteur indique : "Comme vous le voyez, la plupart de nos routiers ont un service déterminé très prenant en dehors du groupe.
Tous montrent vraiment une grande volonté de rester attachés à la 37 à l’occasion des manifestations...traditionnelles (Noël, Gâteau des Rois, fêtes de Groupe etc. Mais la route ne peut avoir qu’une réunion générale le dernier jeudi de chaque mois ou le dimanche soir en fin de journée. L’esprit 37ème rayonne, chers anciens ! par nos routiers il a gagné les paroisses voisines. Par manque de chefs de clans, il n’y a qu’une seul clan par district. Paul Beucher est le chef de clan. Celui-ci offre aux routiers une réunion générale et une sortie par mois. _ Il faut dire que la Route a tâtonné jusqu’ici. A des directives déterminées suivaient des directions parallèles et même opposées. En dehors de ceux qui ont trouvé un service précis et déterminé surtout dans l’ordre de la Scoutmaîtrise, plusieurs ont été déroutés et ont quitté le scoutisme actif. Nous sommes actuellement convaincus qu’il faut chercher l’organisation de la Route dans le cadre du Groupe, même si on ne peut offrir que des patrouilles (de routiers) avec des compagnons pour CP. Il reste vrai que chaque patrouille doit s’entendre, s’unir, se rencontrer assez souvent avec les autres routiers du district pour élargir l’horizon. "

L’histoire de la Route au Groupe reste très mal connue. Comme pour cette année 1936, des scouts ont formé assez fréquemment des patrouilles de novices encadrés de compagnons, plus ou moins reliées à un clan. Ceux-ci étaient bien souvent propre à plusieurs Groupes, voire au district, ou même à la Province. A Charonne, on ne repère de clan proprement dit qu’à quelques rares périodes. A 16 / 17 ans on " montait " à la route. Après quelques mois, le futur routier devenait novice routier. Au bout d’un an, le novice devenait compagnon et préparait alors son Départ Routier, renouvellement de la Promesse à l’age de l’engagement dans la vie d’adulte. Mais autre formule assez fréquente au Groupe : des CP et quelques SP quittent leurs patrouilles et forment une " patrouille aînée? ", relativement autonome de la troupe et sans relation directe avec la branche route. En quelque sorte une transition douce qui permet de poursuivre des activités " éclaireurs ", adaptées à leur âge (raids, missions, services) avant d’entrer dans une patrouille de novices routiers, au Groupe ou ailleurs, si quelques anciens en font déjà partie et de ce fait les y attirent. Mais la concurrence est grande avec l’encadrement de la troupe qui a tant besoin d’assistants. Des scouts passeront directement de CP à ACT et n’entreront pas tous à la Route dans le même temps, même si c’est formellement un passage recommandé.
Jusqu’en 1930, les routiers ont porté des pattes d’épaules vertes sur une chemise kaki, avec SR (scout routier) brodé en jaune. Les routier ont porté un insigne SR en émail rouge sur la courroie du chapeau jusqu’à l’apparition du béret. Novices ou routiers ont porté des bas beiges à deux bandes rouges et des pompons rouges. Les novices arboraient à l’épaule 4 flots de couleur marron et les routiers un scalp aux trois couleurs vert jaune et rouge.
Plus tard, le scout qui montait à la route quittait sa tenue éclaireur? et prenait la chemise grise. Badges, ou insignes de CP était supprimés. Seul restait porté éventuellement, et sur les deux manches le badge de secouriste scout ou de secouriste de la croix rouge française.
Lors de la cérémonie du " départ routier ", le scout recevait l’insigne en métal chromé RS (rover scout) qui était porté au dessus de la poche gauche, et le scalp aux trois couleurs. Il recevait aussi le bâton fourchu, la hache et la gourde, symboles de la route à prendre.

Mais poursuivons l’histoire de Léon Catusse : " Mais cette année, commencée dans la joie de dix ans de scoutisme, devait finir de façon tragique.
Au cours du grand camp à Belle-Île en mer, les chefs emmenèrent les CP en excursion dans les rochers de la côte. Le nouvel Aumônier, Monsieur l’abbé Le Lorrain, alpiniste expérimenté essayait tous les passages avant de laisser les garçons s’y aventurer. Ayant reconnu le danger d’un rocher dont le schiste s’effritait, il les entraîna d’un autre coté. C’est alors que deux CP qui suivaient à quelques distance ignorant des essais de l’Aumônier, tentèrent l’escalade qui semblait très facile. Mais un bloc s’étant détaché sous ses pieds, Paul Chrétien, CP des Ramiers, fit une chute d’une hauteur d’environ deux mètres.
Il se plaignit de douleurs au bassin, et fut emmené sur une civière par le Chef de troupe Roger Odoul et l’Aumônier, avec de grandes difficultés. La pente était si raide, pour remonter de la plage, que les CP devaient caler à chaque pas les pieds des porteurs.
Paul devait succomber, le lendemain matin à une fracture du crâne, dont il ne souffrait pas et que le médecin n’avait pas décelé.
C’était le meilleur chef de patrouille de la troupe et Roger Odoul devait en faire son assistant en octobre.

La mémoire de Paul Chrétien est restée vivace au Groupe, et incarne celle de tous nos frères rentrés à la Maison du Père, par le pèlerinage sur sa tombe qui est resté, depuis quatorze ans, une tradition du Groupe.

Après ce camp, l’année continue à être néfaste. L’abbé Le Lorrain, allant passer le reste de ses vacances en Savoie, n’en devait pas revenir. Il avait entrepris l’ascension de la Tournette au bord du lac d’Annecy. Cette ascension était très facile, puisque nous l’avions faite au cours du camp de Menthon Saint Bernard, et classique pour les touristes d’Annecy. Mais en octobre, les conditions atmosphériques étaient déjà mauvaises, et l’abbé fut pris dans une tempête de neige. Toutes les recherches furent vaines et ce n’est qu’au printemps qu’on put retrouver son corps, la colonne vertébrale brisée. Il avait du quitter le sentier et glisser sur une pente herbeuse, qui dominait un a-pic au pied duquel il fut découvert.
Ce fut une grande perte pour le Groupe, où l’abbé avait su se faire aimer au cours de son bref passage parmi nous. Sa jeunesse et son entrain nous eurent vite conquis, et il fut regretté tant à Charonne que dans son ancienne paroisse du Petit Clamart.
Monsieur l’abbé Sauvel vint le remplacer, mais l’année n’était pas finie et un troisième deuil devait nous frapper.

En décembre mourait à l’hôpital de Brévannes, un routier, Joseph Cordeiro.
C’était un brave garçon, qui avait été second des Rouge-Gorges. Son père lui fit abandonner le scoutisme sous l’influence de relations anti-cléricales. Ils habitaient “ la zone ” derrière le boulevard Davout, dans une baraque assez malsaine. Au bout d’un an, Joseph nous revint, après avoir triomphé , par sa ténacité, de l’opposition de son père.
Au cours d’un camp de Pentecôte (il était louvetier à la 62ème Paris), il avait eu un malaise, que nous avions mis sur le compte d’une légère insolation. Quelques temps après, le médecin lui découvrait une laryngite. L’insalubrité de sa demeure était telle (nous y avons vu des flaques d’eau dans sa chambre) que son mal empira, devint chronique, puis tuberculeux. Je l’avais vu au cour de l’été 1936, et il m’avait déclaré “ je vais partir pour Brévannes et j’en ai pour trois mois ”. Le malheureux s’était mépris sur le sens donné au délai qu’il croyait être celui de sa guérison et qui devait être, hélas ! ce qui lui restait à vivre. ”

D’après le programme d’activités du mois d’octobre nous savons qu’il y a encore 5 patrouilles à la troupe et que le dimanche 25, les Alouettes sont en sortie de patrouille à Vincennes, les Hirondelles à Chaville, les Rouge-Gorges à Clamart, les Ramiers à Vincennes et les Léopards à Meudon.

Et voilà en novembre une grosse montée à la route : Marcel Catusse, Emile Legentil, Roland Bille, Pierre Mittelberger, Maurice Taffin, de Rycke, Schlesser. A cause des départs, il n’y a plus que 4 patrouilles, les Rouges Gorges disparaissent. Gérard Wlérick conserve la patrouille des Léopards, Georges Chrétien prend en charge la patrouille des Alouettes, Emile Latapie les Hirondelles et Martineau les Ramiers. Nous disposons en archives, il eut été fastidieux de la reprendre ici, de la liste des nombreuses promotions et badges obtenues par les scouts dans l’année.

1937

Léon Catusse : “ 1937 voit des profonds changements dans la structure du Groupe, par suite des deuils et des départs de l’année précédente.
A la troupe, Roger Odoul, parti au régiment, a été remplacé en octobre 1936 par Jean Aine, amené par l’abbé René Sauvel, qui, lui-même, vient de prendre la place de l’abbé Le Lorrain comme Aumônier de Groupe. L’Aumônier est un saint homme dont le totem était “ Sauterelle écervelée des causses du Massif central ”.

Denis Gaumé assiste le nouveau scoutmestre. Jean Aine vient du clan Pasteur et était le premier chef de la 1ère Villeneuve La Garenne. Il sait maintenir les traditions et l’esprit de la 37 et poursuit avec succès le travail de ses prédécesseurs. Il restera au Groupe deux ans, jusque fin 1938.

La Route est désorganisée en grande partie par des départs pour le service militaire ou comme chefs dans d’autres groupes.

Quelque temps après la traditionnelle fête de Groupe des 23 et 24 janvier - où les louveteaux? jouent " le p’tit accordéoniste ", les scouts " les tribulations de la famille Bucéphale ", les routiers produisent " le poulet, proverbe de Carmontelle " - les " Amis des Scouts " de la 37 sont créés le 6 mars. Marcel Catusse le père des deux frères, en est Président. Ils souhaitent aider les chefs par leur travail matériel dans la préparation des manifestations extérieures : fêtes et sorties de Groupe.

Celles-ci, organisées chaque année au mois de juin le plus souvent, sont l’occasion pour les parents de voir comment leurs enfants vivent les Week-End et les camps de meute et de troupe. Les parents sans voiture (ce sont les plus nombreux) viennent en car et après la messe commune, il y a souvent des promesses de louveteaux et de scouts, ainsi que des montées à la Troupe des louveteaux chevronnés. L’après-midi est généralement consacré à des grands jeux où les parents retrouvent leur jeunesse.

En parcourant " le Mourant " (sic) n°1 du 1er mai 1937, " organe mensuel de la gens scoute de Charonne village (en voie de dissolution) " (re sic), on note que les Rouges-Gorges sont toujours en sommeil.

Le camp de Pâques à Jambville sous un temps glacial est marqué par la disparition de l’intendance des Alouettes ! Ceci donne l’occasion à Jean Grenet CP des Hirondelles, d’écrire de nouvelles paroles au chant de la 37 .

Refrain :
Tous les scouts des Alouettes veulent du fromage de tête,
Du jambon, des côtelettes et du pâté
Sans compter du bordeaux très bien bouché
Pour l’plaisir d’s’en mettre jusque là
Ohé les gars
Que ton âme sereine Par les bois et la plaine
Rayonne dans un chant joyeux
Vive le boudin y a rien d’mieux

1er couplet
Veux-tu vivre l’âme joyeuse
Le regard plein d’entrain
Le visage serein
Ah sent l’odeur délicieuse
De toutes ces andouilles
Et de tous ces boudins

2ème couplet :
Tous les habitants de Jambville
Ne sont pas tous heureux
Y’en a de miséreux
Mais ils ne se font pas de bille
Si parfois ils ont faim
Ils chipent du boudin

3ème couplet
Mais voilà qu’un scout des alouettes
S’en étant aperçu
Déclare qu’ils sont fichus
S’arrache les cheveux de la tête
Il va tout raconter
A son pauvre CP

4ème couplet
Chrétien lui ne sut que faire
S’il du rire ou pleurer
Ou bien se suicider
Moi je sais c’qu’on aurait du faire
On l’aurait opéré
On aurait tout retrouvé !

Ce pauvre CP des Alouettes estime cependant : " L’esprit de patrouille a été stable ce mois-ci ; le Vpéisme est à l’agonie ; la fraternité scoute progresse ; la bonne humeur se maintient. Les présences ont été plus régulières sauf après le camp. Le concours de mars a été gagné par Marcel Bourrée. Marcel Schlatter est de service.
Il rappelle les charges de patrouille : CP instructeur, règlement, et histoire de la patrouille, Bourrée : SP secrétaire, trésorier, Bounoure : bibliothécaire, matériel de camp. Schlatter, : matériel de cuisine, papier et crayon. Dehaynin : propreté du coin, chercheur de B.A.
Il décrit ensuite la sortie de patrouille du 11 avril à la Croix de Berny : Nous sommes arrivés là-bas à 11 heure. Bounoure et Bourrée nous ont guidés successivement d’après la carte jusqu’au bois. Les premiers jeux portaient sur l’éducation physique : pont, lancement du poids, escalades, saut. Après avoir mangé petit jeu sous la direction du SP. Pendant ce temps le CP préparait le Grand Jeu qui a été réussi et qui portait sur une piste faite d’indices (tickets de métro, empreintes, morceaux de laine etc. et sur la signalisation (message), l’orientation (se diriger à la boussole) le secourisme (personne blessée). Enfin nous avons terminé par quelques autres petits jeux.

Chez les Ramiers, JeanTranquille, fait sa promesse et André Martineau est investi CP.

Le " Grand frère et chef " raconte : Le mois se termine par un grand rassemblement de district à l’occasion de la Saint Georges. Après la messe un dragon est laborieusement confectionné, puis après un déjeuner par Groupe (j’omets volontairement de parler d’un petit déjeuner pour ne pas faire honte au chef Denis Gaumé qui...), l’après-midi un grand jeu formidable et enfin le Feu de Camp. Tous, petits loups et scouts auraient bien voulu eux aussi terrasser le dragon, personnification du Mal, des Manquements à la Loi Scoute. _ Journée bien fraternelle au cours de laquelle chacun eut l’occasion de faire maintes et maintes B.A. Ainsi vous le voyez, la 37ème vit, prospère même, alors du cran et plus que jamais les petits frères allons-y... à bloc.

Au concours du mois de mai les Ramiers sont premiers, suivis des Alouettes, des Léopards puis des Hirondelles.

Le déluge et la boue du Rallye de district de pentecôte à Ormesson sont célèbrés comme il se doit : les léopards rigolent encore de la chute d’un des leurs après une belle glissade ; les Hirondelles dans la boue jusqu’aux chevilles, abrité par une superbe tente bateau, au dessus de la boue, avec des escadrilles de " chiens volants carnivores " (les moustiques) ; les Ramiers et Alouettes réunies se sont classées deuxième du district, tout en fustigeant les " inspections sur inspections qui n’en finissaient plus ".

L’abbé Sauvel écrit dans " Le réveil de la 37ème ", anciennement " le Mourant, numéro 2 de juin 1937, " organe mensuel de la gens scoute de Charonne " " qu’il ne peut passer sous silence l’excellente tenue des scouts au Rallye de District d’Ormesson où notre 37 a montré qu’elle n’avait rien perdu de son entrain, pendant que les louveteaux et les routiers exécutaient la même démonstration plus loin. (...) je félicite les routiers pour leur activité pendant l’année et la curiosité active qu’ils portent aux grands mouvements issus de l’ACJF tel que la J.O.C... j’exprime le désir qu’après une année où un léger flottement était inévitable, on vienne au camp et à l’automne aux vieilles traditions de la 37 en ce qui concerne la Vie Spirituelle. Celle-ci ne doit pas être une mécanique que l’on remonte à coups de convocations. Elle doit être notre vie de tous les jours qui se relève peu à peu, marche par marche, lentement comme toute les affaires profondes."

Au cours de ces années d’avant guerre, les scouts montrent un grand dynamisme à organiser deux ou trois fêtes par an ! La Grande Kermesse qui a lieu le 13 juin avec élection de la Rosière de Charonne village est l’exemple d’une série de fêtes impliquant les scouts à la vie du quartier. Les scouts vont se répandre volontiers dans les rues animant celles-ci de défilés déguisés et de jeux scéniques.

Léon Catusse poursuit : " A cette époque, notre Aumônier commence à évangéliser la zone, entre les portes de Montreuil et de Bagnolet. C’était un travail magnifique. Alors que les Routiers faisaient jouer le jeudi et le dimanche les enfants des chiffonniers, l’abbé Sauvel obtenait d’excellents résultats. Il avait su se faire respecter et aimer par toute une population qui pourtant était fort éloignée de la Religion et plutôt méfiante à l’égard du clergé ! ”

“ Pour le grand camp, cette fois , c’est le Centre qui est choisi. Pour la première fois, la troupe - la meute a déjà campé en Auvergne - délaissant la mer et la haute montagne, plante ses tentes dans les Causses (Le point de chute est Gramat (Lot) avec visites de Padirac et de l’Aven Armand). Point culminant du camp, le voyage dans les gorges du Tarn et à Rocamadour fait accomplir aux garçons un antique pèlerinage au lieu ou est conservé, suivant la légende, Durandal, la fameuse épée de Roland.

En octobre, Roger Odoul prend la direction du Groupe, Marcel Catusse dirige la troupe en l’abscence de Jean Aine qui fait son service militaire. La patrouille des Rouges Gorges revoie le jour, pilotée par René Vincent. Paul Dufourcq a pris les Léos, Jean Grenet les Hirondelles. Wlérick, Caunègre et Emile Latapie montent à la route, que dirige André Schlesser.

Attardons-nous un peu sur ce dernier, dont le destin n’est pas banal. André Schlesser fit partie des " comédiens routiers ". Chanteur, comédien, il participera à la création et à l’animation avec Marc Chevalier du cabaret l’Ecluse quai des Grands Augustins à Paris, rendu célèbre par Barbara, Jacques Fabbri, Cora Vaucaire et bien d’autres. Il composera quelques chansons (Souvenance) travaillera avec Maurice Jarre, au Théatre National Populaire (Nuclea, les caprices de Marianne)...
Il épousera l’actrice Maria Casarès en 1978, et vivra avec elle jusqu’à sa mort dans le beau manoir de la Vergne, à Alloue en Charentes où il repose.

A la meute, la Cheftaine Marie-Louise Dietrich est assistée par Odile Gaumé, la sœur de Denis, ancien CP des Alouettes compagnon routier et ASM, et une autre jeune fille, Geneviève Duc. Louis Hacquin se souvient qu’André, son jeune frère, entre alors à la meute. Celle-ci marche très bien. La Cheftaine Dietrich, qui doit avoir 24/25 ans, est très compétente. Parmi les louveteaux, les 3 frères Albe sont sizeniers, ainsi que Claude Bezencenet, René Piessès, Pierre Manternach, tous plus tard piliers du Groupe. il y a 4 sizaines et les activités ont lieu le jeudi après midi au local, ou en sortie au bois de Vincennes. A la belle saison, sont organisées des sorties de week-end, ou de plusieurs jours ; l’été, un camp de 8 à 10 jours, les louveteaux en fait ne doivent que cantonner et dormir sous un toit. La tanière de la meute se situe au 70 rue des haies.

“ A l’époque l’uniforme des louveteaux et des cheftaines comporte en hiver un chandail de laine vert foncé, en été une chemisette de toile bleu ciel à manches courtes ; sur la poitrine à gauche une croix en feutre jaune, croix potencée sans trèfle ni fleur de lys.
Le foulard fermé par un noeud de cravate, sans bague. Les louveteaux portent une culotte de drap solide bleu foncé, au dessus du genou, avec parfois des bretelles sur lesquelles sont cousus les insignes. Les bas bleu marine avec revers vert et pompons jaunes. Ils ont une cape pour se protéger du froid ou de la pluie. les petits loups portent déjà les insignes bien connus : une bande jaune ou deux autour du bras gauche, La tête de loup stylisée rouge au béret pour les pattes tendres, avec une ou deux étoiles pour ceux qui savent ouvrir les yeux. Les brevets triangulaires sur la manche gauche ".

1938

Les 22 et 23 janvier, c’est la fête de Groupe. Après " le " rêve " en prologue, la meute joue " notre douce France ", la troupe " la vie est belle " et " le roi d’Islande et la puce ", la route produit " la demande en mariage ".

L’année se poursuit avec les habituelles investitures (Vincent et Odoul CP) promotions, promesses, montées au Clan (Le Moucq en février, Georges chrétien en novembre), le camp de Pâques à l’Isle Adam chez le Marquis de Montebello. André Bousquet remplace René Vincent comme CP des Rouges Gorges ; Durieux, Dufourcq aux Léopards et Charrier remplace Chrétien aux Alouettes . Et c’est encore une fête scoute et Kermesse arabe en juin. Les sizeniers de cette période ? Lelong, Bernard, Peluchon, Decugis et Burgun.

Quand au Grand Camp, Léon Catusse raconte :
“ En 1938, c’est le Jura qui nous accueille. (troupe et meute campent chez le Colonel Comte de Verges. Ce dernier impressionne Marcel Catusse en buvant le Pernod sec !). Jean Aine, marié (avec Marthe Dennery, une cheftaine de la Ménie Saint Paul, 24ème et 57ème Paris. Et de 4 !), a laissé la troupe, et Roger Odoul profite d’une permission pour reprendre sa place au cours du camp à Verges, près de Lons le Saulnier.
Accueil étonnant de la part des habitants du village ; les intendants ne pouvaient sortir sans se voir gratifier d’un tas de légumes, salades, œufs qui étaient les bienvenus, au grand profit du budget du camp.
Le châtelain, vieux militaire en retraite, ne manquait pas une occasion de nous être agréable : ainsi à la sortie des grottes de Beaume les Messieurs, que nous venions de visiter, nous eûmes la surprise de nous voir arrêté par un cafetier, auquel Monsieur le Comte avait téléphoné de nous régaler à ses frais.
Il y eut aussi une prise d’armes, à laquelle nous avons participé, à l’occasion d’une remise de décoration. Nous avons défilé avec les pompiers !
Le camp s’est terminé par une excursion en Suisse, à travers le Jura, par l’érection d’un calvaire, que la famille du châtelain entretenait par tradition. Celui-ci était vermoulu ; le Comte en avait un tout prêt pour le remplacer, mais personne pour le mettre en place. Nous nous en chargeâmes donc, et tout le village nous a suivi en procession, depuis l’Eglise où le calvaire neuf avait été exposé jusqu’à l’emplacement du vieux que nous avons enlevé. C’est sur cette note de piété que nous avons quitté le village, d’où longtemps après, des gens écrivaient encore aux chefs pour leur dire la bonne impression que nous y avions laissé. ”

Hathi écrit cette année 1938 dans le “ journal de bord ” de la 37 dont nous avons déjà parlé :
“ Vieux retraité du scoutisme, je n’ai qu’une consolation. La 37 vit. Elle vit à ce point énergiquement qu’elle a donné de nombreux rejetons, des chefs pour elle-même et pour les autres troupes. Cà, c’est du chic travail. Dans le cafard qui me serre, chaque fois qu’au cours de mon travail abrutissant je songe aux joyeuses heures de la 37, voilà ce qui me réconforte.
1925 - 1938, çà compte. Alors vous comprenez comme dans mon cœur déjà vieux et déjà découragé il y a de la joie, lorsque je retrouve la 37 toujours dans sa jeunesse. Bonne route petits frères, et au revoir souvent si Notre Seigneur le permet. ”

Georges Chrétien, qui de Caen suivait toujours la vie du Groupe et lui avait envoyé une abondante documentation prend la succession de Léon Catusse pour la rédaction de l’histoire du Groupe et écrit donc à son tour dans " le Feu du conseil " de 1950 :
“ A la rentrée d’octobre, Roger Odoul dirige toujours le Groupe, aidé par les Cheftaines Marie-Louise Dietrich, Odile Gaumé et Geneviève Duc pour la meute, de Marcel Catusse et Georges Chrétien pour la troupe. L’abbé Sauvel reste aumônier.
Roger Odoul quitte cependant le Groupe en novembre pour se marier avec la cheftaine Blanche Chevalier. Encore un mariage de chefs scouts (et de 5). Mais celui-là a lieu un peu loin, à Grillon, (Vaucluse), pour que le Groupe puisse y participer. ”

La Troupe comprend 4 patrouilles, et 28 scouts. Parmi eux, cinq sont apprentis ouvriers, deux sont employés, trois sont lycéens et dix huit écoliers.
On dénombre : Une première classe, une seconde classe, douze aspirants et cinq novices. Mais sur l’année, une première classe et six seconde classe ont été passées, et il y a eu dix promesses. Les scouts ont obtenu deux badges de cuisinier, trois de campeurs, deux d’acolytes et six d’infirmiers.

Le Clan est rattaché au Clan du Roi Albert (Paris Est II) et comprend une patrouille " Le vieux Loup " avec 2 routiers et 8 novices. Les routiers comprennent deux apprentis, quatre employés et quatre étudiants.

1939

“ En janvier ce fut le tour de Léon et Marcel Catusse ainsi que de la Cheftaine Dietrich de partir.
(En fait, Léon et Marcel Catusse démissionnent ainsi que Marie Louise Dietrich, suite à un différent avec l’Abbé Sauvel)
La troupe passe donc entre les mains de Georges Chrétien et Paul Dufourcq, assistés par la suite par Jean Le Moucq, en attendant notre nouveau chef de Groupe Henri Dehaudt... Celui-ci ne fait hélas qu’une courte apparition au Groupe, car bientôt mobilisé, notre brave “ scorpion sympathique ” (son totem) va rejoindre son sable, son soleil et... sa base aérienne de Sfax dans le sud Tunisien.
La meute fonctionne avec Paul Dufourcq, bientôt remplacé par Eugène Desvaux, un Akéla à l’air féroce comme il le chante d’ailleurs, mais bien aimé et estimé de tous.

De son côté, l’abbé Sauvel réalise le vœu qu’avait émis l’abbé Le Lorrain peu avant sa mort ... “ Conquérir la zone et jeter le filet sur cette terre de mission ”. Bien des difficultés, bien des déceptions, bien du mal... Enfin la première baraque du Bon dieu est installée près de la maisonnette ( !) de notre pauvre Joseph Cordeiro (l’ancien SP des Rouges Gorges décédé en 1936...) non loin d’une mare fétide que garde un chien malade...
Chaque année depuis 1937, notre Groupe organise dans la baraque, devenue le Patronage de N.D. de la Zone, un Noël Routier à la grande joie de ces pauvres gosses.

Le recrutement de la troupe s’intensifie et une septième patrouille se crée à côté des Alouettes, Ramiers, Rouge-Gorges, Hirondelles, Léopards, Cigognes. Les Abeilles deviennent patrouille d’aînés, préparatoire à la Route. Notre “ Manoir ”, s’avère vraiment trop petit pour loger à 51 scouts. La “ Tanière ” elle, résiste à 23 petits loups... Aussi on pense à créer deux troupes... Mais le problème des chefs et des locaux reste insoluble aussi. Nous restons dans le statu quo et les Abeilles émigrent momentanément dans le “ foyer ” de la Route. .Jean Jacques Albe devient CP des Ramiers et Jean Louis, des Cigognes.

Signalons la parution d’un bulletin de liaison qui prit le nom de “ l’Abeille ” puis de “ Radio 37ème (n°1, première année en juin 1939)”, mais hélas il ne furent qu’éphémères tout comme le “ Vetera Nova ” de 1936, “ le Mourant ” et “ le Réveil de la 37ème ” de 1937, “ la Maille ” de 1938. Espérons que le “ Feu du Conseil ” tiendra le coup.

Pour palier l’oisiveté de certains scouts les chefs organisent une petite chorale, un orchestre de pipeaux et d’harmonicas, des sorties à la piscine, des réunions, : le jeudi
pour les étudiants avec visites appliquées de musées, le samedi pour les travailleurs avec projections, visites d’usines, causeries professionnelles.

La Fête de Pâques nous emmène camper chez les frères de Saint Nicolas à Buzenval. Au cours du feu de camp, quelques scouts sont totemisés tels que Jean-Jacques Albe qui devient un “ putois grincheux ”, Daniel Albe une “ baleine dévouée ” etc.

Si les scouts se réclament de la Chevalerie, l’indianisme qui l’a précédé reste vivant, mais il se limite à la totemisation et à quelques expressions et pratiques : pour désigner quelqu’un qui n’est pas scout on dit un V.P. (visage pâle). On appelle une tente, un tipi ; un Chef, un sachem. On attache les novices à un arbre en dansant autour avec un chant indien ! On se sépare aussi en se souhaitant “ bonne chasse ”.

Bousquet est nommé 1er CP et membre de la Scoutmaîtrise.

Le Groupe des Amis des Scouts, présidé par Monsieur Catusse entouré de Messieurs Albe trésorier et Piesses, secrétaire, aide sérieusement les chefs dans la préparation de leur “ Grande Fête Médiévale ”. Vous rappelez-vous la tête des Charonnais ahuris en nous voyant défiler dans les rues du quartier avec nos armures et nos costumes moyenâgeux, prêts à attaquer un château fort... D’autres passants croyaient assister à un nouveau départ de croisade ou à une prise de vue pour un film. ”

L’assemblée Générale des Amis des Scout est convoquée par le Président Monsieur Albe, le mercredi 26 avril. Au menu, rue des Haies, une visite de la tanière des louveteaux, du manoir des scouts et du foyer de la Route. Puis après les compte rendus d’activité et de la situation financière, l’élection des membres du Bureau, le projet d’une promenade champêtre, un feu de camp et le chant des adieux.

“ Il est temps maintenant de préparer “ Jeannette ” cette bonne vieille charrette de troupe qui en a vu de toutes les couleurs. Cette fois, c’est en Normandie que nous allons planter nos tentes. Monsieur Baudoin, Maire, fromager et Président diocésain de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), nous accueille dans le parc de son château d’Héritot en pleine Vallée d’Auge (...) Climat frais et humide... trop humide parfois... heureusement que nous avons à notre disposition le salon du château où est en train de se monter un orgue.
Camp des surprises ! L’enlèvement des chefs un beau matin ! La disparition d’Akéla et de son intendance. Il ne restait rien “ pas même un petit camembert Baudoin ” dit ironiquement un jeune scout. Plus agréable fût cette surprise de voir arriver un superbe car des Courriers Normands qui cherchait la 37 et pourquoi faire que Diable ?
Pour l’emmener faire son pèlerinage de Lisieux (suit une description de la chapelle du Carmel). Et là, silencieux, agenouillés contre cette grille nous avons demandé à l’humble carmélite les grâces abondantes qu’elle répand sans compter. (...)
Encore une surprise ! Au lieu de rentrer au camp nous prenons la route de Pont l’Evêque puis d’Honfleur. Là un bateau nous emmène visiter Le Havre (suit la description d’un voyage retour à Caen par Trouville, Houlgate, Cabourg).
Après une nuit réconfortante, les scouts se sentent la force de rentrer au camp à pied. Soit ! 25 Km à travers la plaine de Caen où s’entendent à perte de vue les champ de blés et de betteraves ne leur font pas peur. Mais les petits scouts et même certains grands, avouons-le, sautèrent de joie en voyant venir au devant d’eux les camions de la fromagerie Baudoin. (Nous avons appris par la suite que Monsieur Baudoin, chef de la résistance, a été déporté dans un camp de la mort en Allemagne d’où il n’est pas revenu (...)
Camp des visites et des fêtes également : Henri Dehaudt vient de Tunisie nous surprendre accompagné de l’abbé Charmuzy notre bon curé et de certains parents de scouts. Les gars de la JAC de Cleville sympathisent et s’intéressent beaucoup à nos activités. Les habitants de la région vinrent très nombreux à notre kermesse théâtrale
 les Routiers de la 37ème jouèrent la pièce de Raoul Serène " Le tambour de Roquevaire " au château d’Héritot le 23 juillet, après s’être produits en soirée le 24 juin rue des Haies - et à nos grands feux de camp... ils en parlent encore aujourd’hui paraît-il !
“ Hélas sur terre tout à une fin ” comme le dit la chanson, (c’est aussi une citation du livre de la Jungle de R. Kipling : " sur terre tout a une fin, même rêver sous les sapins ? ") aussi nous regagnons Paris “ ses maisons noires et son pavé ” en pressentant de mauvaises nouvelles, qui, malheureusement se confirment.
En août, la meute comprend 5 sizaines et 23 louveteaux dont cinq " deux étoiles ", trois " une étoile ", cinq " pattes tendres " et dix novices. On dénombre vingt et un écoliers, un lycéen, et un " divers " ( !).
La troupe comprend 7 patrouilles soit 43 scouts dont une première classe, dix huit secondes, dix aspirants et quatorze novices. Les scouts regroupent treize apprentis ouvriers, un employé, vingt neuf écoliers. Depuis l’an passé, une première classe, quatorze seconde classe ont été obtenues, quinze scouts ont fait leur promesse. Vingt huit badges diverses ont été reconnues.
Le Clan comprend trois scouts routiers et cinq novices soit cinq employés et troisétudiants. René Vincent est routiers à la 108ème et Roland Bille s’occupe de la troupe de la Paroisse Saint Jean de Dieu.

Et c’est la mobilisation générale, le départ des aînés, la dispersion du Groupe. ”
Après bien des efforts nous étions une douzaine réunis fin septembre, marqués par les alertes et la défense passive. Vous rappelez-vous de cette messe bien émouvante du 3 septembre, dans la petite chapelle zonière où jadis André Schlesser, Jean Aine et Denis Gaumé jouèrent un Noël Routier ? "

Sur ces mots, s’achève la rédaction de Georges Chrétien, qui fera suite à celle de Léon Catusse. Georges reste en effet en Normandie avec sa mère pendant la guerre, et ne suivra plus directement la vie du Groupe.

On se regroupe lentement autour de l’abbé Sauvel et de Paul Dufourcq. Finalement la troupe ne s’arrête qu’entre le 6 et le 27 août. Date à laquelle elle commence à participer à la Défense Passive. Et très vite elle se réunit normalement. Le numéro 2 de " Radio 37ème " paraît en automne avec le mot d’ordre de " faire du scoutisme quand même ".
La meute repart en décembre sous la houlette d’Akéla Eugène Desveaux .

PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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