Comment éviter le cliché de l’occidental sauveur du petit africain sur les réseaux sociaux

Comment mieux communiquer sur son voyage solidaire ?

Quand nous diffusons des photos ou vidéo de nos camps solidaires, ne diffusons-nous pas des images stéreotypées, souvent de manière non intentionnelle ? Comment savoir alors si l’image qu’on prend rend service ou dessert ces pays et leurs habitants ?

L’association norvégienne SIAH milite sur le sujet et propose un guide de bonnes pratiques, pour être certain de ne pas desservir le pays et les habitants qu’on veut aider.

SIAH, association militante d’une attitude digne en Afrique

SIAH une association norvégienne, elle a publié deux vidéos par le passé, afin de faire réfléchir les occidentaux sur leur attitude à l’étranger. Leur objectif : lutter contre le "bon blanc sauveur des noirs", attitude qui pourrait être qualifiée de "néocoloniale" qui n’aide pas les pays africains à se développer.

Deux vidéos ont beaucoup tourné.

La plus célèbre est une vidéo qui retourne la situation, avec des africains qui viennent sauver ces pauvres norvégiens déshérités. Une parodie du "charity business", qui véhicule tellement de stéréotypes en plus de pas forcément aider beaucoup. On pourrait parler aussi des opérations de Jérôme Jarre et sa #LoveArmy. Utile ? Pas utile ? Cliché, pas cliché ? Nous n’avons pas forcément de réponse. Hop, nous te passons ce passionnant débat :)

La seconde insiste sur l’attitude d’aide "express", dans l’essentiel but de se valoriser, et non d’aider.

Ce sont là deux supports très intéressants pour débattre sur les motivations à partir à l’étranger.

SIAH publie aussi un compte Instagram quelque peu "malaisant" Barbie Savior.

Une nouvelle vidéo sur l’attitude de certains occidentaux

Cette vidéo force le cliché, bien entendu, mais nous voyons régulièrement passer des photos de profil, couverture, souvenirs de compagnons ou ainés revenant de l’étranger qui répondent au cliché.

Aucun reproche, la relation avec les gens locaux et partenaires est aussi plus longue, mieux construite, mais quelle image ramène-t-elle du pays étranger ?

Un guide simple pour mieux communiquer sur le monde

Alors, voici quelques pistes de réflexion que nous te transmettons à partir de leur article en anglais, adapté à un contexte scout.

Les mots et les images ramenés des séjours de volontariat peuvent à la fois diviser et à la fois ramener des description stéréotypées de situations, alors que le monde est en réalité complexe.

Il peut être difficile pour les autres personnes, qui regardent ces messages, de bien s’approprier cette complexité par un simple post sur un réseau social.

Même si nuire n’est pas volontaire, de nombreux volontaires dépeignent avec leurs images et messsages des populations locales passives, attentistes, désarmées et faisant pitié, nourrissant ainsi le cliché au lieu de le rompre.

Alors voici ton guide à lire avant et pendant ton voyage. Suis ces principes directeurs pour t’éviter d’abimer la dignité et le respect du droit à la vie privée des personnes.

1. Fais attention à la dignité

Souvent, quand on met les pieds dans un nouveau pays, on oublie le respect de la dignité, en particulier dans les pays pauvres. Cela vient souvent de généralisations sur des groupes entiers de personnes, de culture ou de pays. Évite d’utiliser des mots qui démoralisent ou propagent des stéréotypes. Tu as la responsabilité et le pouvoir de vérifier que ce que tu écris et publies. Ne met pas en cause la dignité des personnes avec qui tu interagis. Garde toujours en tête que les gens ne sont pas des attractions touristiques et ne font pas "partie du décor".

2. Obtiens un consentement explicite

Le consentement explicite est indispensable pour faire des portraits sur des réseaux sociaux. En France, jamais on se permettrait de photographier une vieille dame et on ne publierait pas de photos sans consentement. C’est pareil à l’étranger. Demande toujours l’autorisation de prendre des photos d’une personne. Souvent, elle te répondra oui ! Et, astuce de photographe, une photo avec la personne qui le sait et avec qui tu as créé une relation sera souvent bien meilleure, avec un bien plus beau sourire.

Évite de prendre des photos de personnes en situation de vulnérabilité, dans des positions dégradantes. Cela inclut les photos de gens à l’hôpital ou dans des centres de soins. Un point d’attention particulier est nécessaire pour les enfants, nécessitant l’accord de leurs parents, à défaut des personnels soignants ou des personnes qui en sont responsables. Écoute aussi bien l’enfant, qui peut exprimer sa volonté de ne pas être pris en photo. Parfois le refus peut être discret parce que tu peux l’impressionner, comme un adulte, même jeune, impressionne un enfant partout dans le monde. Observe bien et n’insiste pas.

3. Questionne tes intentions

Pourquoi voyages-tu comme volontaire ? Est-ce pour toi ou pour les autres ? Tes intentions peuvent affecter comment tu présentes ton expérience sur les réseaux sociaux. Par exemple, en présentant un contexte plus "exotique" et étranger qu’il ne l’est en réalité, en disant "attends, on va faire la photo devant le palmier et le paysage, ça fera plus Afrique".

Demande-toi pourquoi tu partages ce que tu partages. Es-tu le plus légitime pour le partage ? Les bonnes intentions, comme collecter de l’argent, mettre en valeur une cause, ne sont pas des excuses suffisantes pour violer la vie privée ou atteindre le dignité. "La fin ne justifie pas tous les moyens" dit le vieux dicton.

4. Profite de ta chance : brise les stéréotypes

Quand tu voyages, tu as deux choix :

  • Raconter à tes amis et ta famille une histoire stéréotypée, confirmant les idées préconçues qu’ils ont, plutôt que tenter de les secouer.
  • Ou leur transmettre une information en nuance, expliquer la complexité de la situation, et raconter quelque chose de différent que l’histoire habituelle de la pauvreté et de la pitié.

Tu as de la chance, tu y étais. Saisis cette chance pour raconter à tes amis des réseaux sociaux la réalité des choses, telle que tu l’as perçue, dans sa complexité, avec tes doutes. Valorise les actions de tous ces gens locaux qui agissent en solidarité, qui permettent le lien. Une technique peut être de demander aux acteurs et experts locaux ce que, eux, voudraient raconter de la situation au monde entier.

La check-list à vérifier avant de publier

  • Demande toi : quelle est mon intention réelle en publiant ma photo ou mon contenu ?
  • Obtiens le consentement de la personne que tu prends en photo. Si tu n’arrives pas à expliquer l’usage que tu en feras, fais toi aider par un acteur local.
  • Apprends à connaitre le nom et l’histoire de la personne que tu prends en photo ou en vidéo.
  • Offre une copie de la photo à la personne que tu prends en photo
  • Évite les généralisations hâtives. Explique la réalité, inclus des noms, des lieux précis : ce que tu as vu est ce qui se passe à ce lieu, à cette heure, avec ces gens. Pas forcément dans tout le pays !
  • Respecte les différentes cultures et traditions, ce qui implique des manières de penser, de voir les choses, que tu ne partages pas forcément.
  • Demande-toi : "est-ce que j’accepterais d’être pris en photo ou en vidéo dans le même contexte, si j’étais à la place de la personne ?"
  • Évite les contextes sensibles, tels que les hôpitaux ou les centres de soins. Les visiter oui, partager la douleur oui, soutenir oui, mais l’appareil dans la poche :)
  • Ne te mets pas en valeur comme le héros de ton histoire, tel un sauveur du monde.
  • Secoue ta perception des choses, brise les stéréotypes !

Tu as entre les mains une grande responsabilité. Tu as la chance de voir le monde tel qu’il est. Ouvre grand les yeux et les oreilles, prends le temps de discuter, et ainsi tu pourras raconter le monde tel qu’il est vraiment, dans sa complexité, avec tes doutes, sans véhiculer d’idées stéréotypées. C’est ce qui aidera vraiment les populations locales.

A toi de jouer !

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